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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/960

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consenties. Faut-il en rappeler quelques-unes ? Nous avons montré tout récemment encore notre bonne volonté dans le règlement des affaires du Niger. Le Fachoda du Niger s’appelait Boussa, et déjà l’Angleterre prétendait que nous l’avions occupé contre tout droit. Il semble, en vérité, que le droit n’ait de fondement et de limites que dans l’intérêt de l’Angleterre, tel qu’il lui plaît de le comprendre ! Nous avons conservé jusqu’au bout notre sentiment sur Boussa, et nous l’avons pourtant évacué. Un accord dont les deux parties ont été satisfaites a terminé ce différend. En aurait-il été de la sorte, si nous avions été animés à l’égard de l’Angleterre des dispositions qu’on nous attribue ? Nous lui montrons, partout où elle nous le rend possible, amitié et confiance, quelquefois même plus que ne le comporteraient nos véritables intérêts. Aujourd’hui même, nous en donnons une preuve nouvelle dans les affaires de Crète. Qui sait si nous n’aurons pas à regretter par la suite la condescendance empressée avec laquelle nous avons suivi les inspirations britanniques ? Nous aurions pu y mettre quelques réserves ; nous n’y en avons mis aucune. Et cependant, à l’heure même où l’Angleterre cherche à nous infliger une humiliation gratuite sur le Haut-Nil, n’aurions-nous pas quelque raison de ne pas nous associer à elle pour en infliger une au Sultan ? Il aurait été plus conforme à nos traditions de le ménager. L’Allemagne a tiré plus de profits de la politique de ménagemens, que nous n’en tirerons jamais de celle que nous suivons avec l’Angleterre. Celle-ci peut-être y trouvera des avantages, non pas nous. Si encore nous étions assurés de rencontrer plus de facilités pour la pacification de la Crète après le retrait des troupes ottomanes, notre attitude s’expliquerait ; mais cela est fort douteux, pour ne rien dire de plus, et il y a quelque complaisance de notre part à répéter avec les autres que la présence des troupes turques était un élément d’agitation dans l’île. En réalité, l’union des puissances en était rendue plus solide, et il pourrait bien se faire qu’elle devînt plus fragile le lendemain du départ de ces mêmes troupes. C’est ce qui est arrivé autrefois en Égypte, lorsque nous y avons établi avec l’Angleterre notre condominium. L’accord entre les deux puissances s’est fait et s’est maintenu sans trop de peine aussi longtemps que le khédive Ismaïl est resté au pouvoir ; il s’était fait et il se maintenait contre lui ; mais, aussitôt après sa chute, les choses ont changé de face, et les élémens d’opposition qui existaient entre les deux membres participans du condominium n’ont pas tardé à se développer. Puisse-t-il ne pas en être de même en Crète, et puissent surtout les événemens ne pas tourner