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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/963

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de prendre, quoiqu’elle ne se rattache qu’à l’ouverture prochaine du parlement impérial, se trouve merveilleusement opportune en ce qui concerne l’Égypte. Qu’il l’eût voulu ou non, — et probablement il ne l’aurait pas voulu, — l’Empereur aurait paru consacrer par sa présence tout ce qui se passe dans ce pays : peut-être le moment n’aurait-il pas été bien choisi pour cela. L’Allemagne s’est toujours heureusement trouvée de garder une attitude tout à fait libre en ce qui concerne l’Égypte, et l’intérêt de curiosité que peut présenter un voyage à Alexandrie et au Caire ne saurait être mis en balance avec l’inconvénient de faire ou de laisser naître un malentendu qui n’aurait pas manqué d’être exploité. N’a-t-on pas dit, ces derniers jours, à propos d’un arrangement encore mal connu entre Londres et Berlin, que l’Égypte y était comprise ? Les journaux allemands les mieux renseignés d’ordinaire se sont empressés de démentir le fait ; mais il reste souvent quelque chose d’une allégation même démentie, et l’empereur Guillaume n’aurait pas pu aller en Égypte sans que son voyage donnât naissance à de nouveaux commentaires. Peut-être aussi le Sultan aura-t-il préféré lui présenter le khédive à Constantinople, sous sa tutelle, au lieu de le lui laisser voir au Caire, où il paraît être sous celle des Anglais. La situation internationale de l’Égypte étant toujours en suspens, l’Empereur a peut-être estimé que des visites de souverain y seraient prématurées. Nous savons aujourd’hui que ce n’est pour aucun de ces motifs qu’il ne va pas en Égypte ; mais on a bien fait de le dire ; autrement, ces réflexions auraient pu se présenter aux esprits pour justifier la parfaite convenance de sa résolution.


Pour terminer cette chronique dans les meilleurs sentimens à l’égard de l’Angleterre, laissons-nous aller aux souvenirs évoqués par les journaux canadiens que nous ont apportés les derniers courriers. On fêtait à Québec, le 21 septembre dernier, l’illustre fondateur de la ville, le français Samuel Champlain, navigateur, explorateur, administrateur et militaire, un de ces hommes d’entreprise qui se trouvaient prêts à toutes les tâches, et découvraient en eux-mêmes, suivant les circonstances, les ressources d’un génie vraiment complet. Ajoutons que le caractère moral était chez celui-ci à la hauteur de l’intelligence. Il y a toujours chez nous des hommes de même race ; il leur manque seulement les occasions de se produire et l’appui d’un gouvernement ayant quelque suite dans sa politique. Il est vrai que cet appui leur a manqué aussi plus d’une fois dans le passé. Champlain a été un de ces héros dont la mère patrie a conservé un souvenir en quelque sorte