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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/101

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C’est donc bien là le principe et la règle de la politique en Hollande : une idée domine tout, ou plutôt une foi, la foi orangiste, qui, dans les diverses confessions, malgré la vivacité des querelles religieuses, et dans les divers partis, malgré la passion des luttes parlementaires, ne rencontre pas d’infidèles, si ce n’est, — et très peu, — vers l’extrême limite du socialisme internationaliste ; de sorte qu’on peut dire que quiconque, aux Pays-Bas, n’est pas orangiste, n’est pas non plus Hollandais. « Je ne sais ce que je suis le plus, Hollandais ou catholique, » déclare volontiers un des hommes qui sont l’orgueil de la Hollande, poète, orateur, historien, — et prêtre. Ce qui est sûr, c’est qu’en aucune des églises réformées, on ne trouverait un Hollandais plus orangiste que lui. Et il était touchant de le voir se parer, comme un enfant, de cocardes, d’insignes ou de médailles de circonstance, et de l’entendre vanter, tout attendri, le charme, la gaieté, la beauté de la blonde princesse par laquelle « Orange fleurira. »


I

A peine a-t-on mis le pied en Hollande que cette « antique alliance » entre Orange et les Pays-Bas éclate victorieusement à tous les yeux par tout ce qui peut en être un symbole. Dès la station frontière de Roosendaal, tout le royaume et l’on ose ajouter tout le peuple est pavoisé, aux doubles couleurs de la nation et de la maison royale. A droite et à gauche, des mâts se dressent, qui portent d’immenses drapeaux tricolores, — Néerlande, — cravatés de longues banderoles orange, — armes parlantes. A perte de vue, d’autres drapeaux, d’autres oriflammes pendent des fenêtres, formant au-dessus des rues une voûte éclatante, et le regard s’enfonce au loin dans une perspective orange et tricolore. Le train passe : villes et villages défilent, avec leurs maisons enguirlandées de feuillage, ornées de ballons orange et de lanternes rouges, blanches et bleues ; avec leurs hauts clochers parés d’étoffes et comme vêtus de robes nationales et royales, qui mettent jusque dans le ciel un reflet tricolore et orange. La foule elle-même, qui emplit les places de mouvement et de joie, paraît orange et tricolore : jeunes femmes et jeunes hommes ont au chapeau des rubans orange, au corsage ou à la boutonnière des nœuds orange ; les fillettes, en robe de mousseline, ont des