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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/182

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Joignons enfin le caractère d’une apologétique dont il ne faudrait pas d’ailleurs s’exagérer la nouveauté, si déjà l’auteur du Génie du Christianisme la résumait d’un mot tout entière, quand il disait que « les mystères du christianisme contiennent les secrets de notre nature, » et si l’on montrerait aisément qu’elle fait le fond des Sermons de Bossuet et des Pensées de Pascal, mais enfin dont on peut dire, dont il est vrai de dire que les catholiques d’Amérique ont tiré merveilleusement parti. On la retrouvera dans les écrits du cardinal Gibbons, comme aussi dans presque tous les discours de Mgr Ireland, et encore dans deux beaux sermons de Mgr Keane, prononcés au Congrès de Chicago, l’un sur l’Idée de l’Incarnation dans l’histoire, et en Jésus-Christ, et l’autre sur la Religion dernière : the Ultimate Religion. Mais l’expression la plus complète en est peut-être celle que le Père Hecker adonnée dans une lettre au cardinal Barnabo : « Traitant chaque point de notre doctrine, y dit-il, je considérais tout d’abord à quel besoin de notre nature chaque dogme se rapportait et s’adressait spécialement. Ce besoin une fois découvert, je l’expliquais jusqu’à ce que mes auditeurs fussent pleinement convaincus de son importance. Puis la question se présentait : « Quelle est la religion « qui reconnaît cet élément ou ce besoin de notre nature, et qui peut « satisfaire ses légitimes exigences ? Est-ce le protestantisme ? » Les données du protestantisme se trouvaient hostiles ou incomplètes. La religion catholique, alors interrogée, se trouva reconnaître ce besoin, et ses réponses, appuyées sur l’autorité des Saintes Écritures, furent trouvées adéquates et satisfaisantes[1]. » Encore une fois, il n’y a rien là de nouveau, et Pascal voulait dire quelque chose de plus, mais il voulait dire aussi cela quand il nous montrait « l’homme plus inconcevable sans le mystère du péché originel, que ce mystère n’est inconcevable à l’homme. » L’originalité de l’apologétique américaine n’en est pas moins d’avoir comme qui dirait retrouvé l’argument et de s’en être habilement servi, non seulement pour ébranler la dogmatique protestante, mais encore pour établir l’accord de la vérité catholique avec les exigences et les besoins eux-mêmes du siècle. Elle y a réussi. Et d’ailleurs, il est possible, il paraît même certain qu’elle a un peu exalté les vertus naturelles de l’homme en général, et de l’Américain en particulier. Les raisons intrinsèques, ou plutôt subjectives, de

  1. La Vie du Père Hecker, traduction française, Préface, p. XIII.