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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/197

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Cependant, malgré les lourdes charges qui pesaient sur les populations, la province équatoriale ne fut pas pour l’Égypte une source de revenus. L’expédition de Baker avait coûté très cher. Nous ignorons le montant des sommes dépensées par Gordon, mais, comme il était accompagné d’un nombreux état-major européen et d’un corps de troupes assez important, les frais en furent vraisemblablement assez élevés. Sous Emin, la province équatoriale figurait au budget général du Soudan pour une somme de 1 100 000 francs environ.

Aux dépenses opposons les recettes. Jusqu’en 1874, elles furent nulles. À cette époque, Gordon monopolisa au profit du gouvernement le commerce de l’ivoire. Mais diverses circonstances nuisirent à la régularité des envois. De 1878 à 1880, des barrages d’herbes fermèrent la voie du Nil, et supprimèrent tout rapport entre Lado et Khartoum. Le soulèvement mahdiste lit perdreau trésor khédivial la belle récolte de 1883 et celle des années suivantes. Bref, l’ivoire de la province équatoriale arriva à Khartoum de 1874 à 1878 et en 1881-82. Or, divers renseignemens nous permettent d’évaluer à s’ou 600 000 francs la valeur de chacun de ces envois annuels.

Donc, le budget de la province équatoriale se solda toujours par un déficit qui variait seulement avec l’abondance ou la pénurie des arrivages d’ivoire.

Cette précieuse denrée constitua la seule source de revenus. On ne prit en Égypte aucune mesure pour tirer parti des autres richesses que le sol pouvait renfermer. Les deux petits vapeurs lancés par Gordon sur le Nil, à Lado une locomobile, quelques brouettes en fer, et voilà tout l’outillage. Ni routes, ni ponts. Pour aller d’un lieu à un autre on suivait les sentiers sinueux des nègres et on traversait les rivières à gué ou à la nage, au risque de se noyer ou d’être happé par un caïman. Quand Emin voit, passerelle primitive, quelques troncs d’arbres jetés d’une rive à l’autre par les indigènes, il note avec soin ce fait insolite. La région du Haut Nil paraissait ne pas dépendre du Soudan égyptien. Ses relations avec Khartoum étaient rares. Tandis que, régulièrement, Lado aurait dû être ravitaillée quatre fois par an, neuf bateaux seulement y arrivèrent de 1878 à 1884. Le Soudan fut pourvu d’un réseau télégraphique qui unissait Souakim, sur la mer Rouge, à Foga, dans le Darfour. Seule la province équatoriale fut privée de ce précieux moyen de communication. Emin