Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Hôtel de Ville et surtout la Préfecture de police étaient entourés des tirailleurs de l’émeute que se préparaient à appuyer des bandes assez nombreuses.

Les troupes disséminées sur quelques points dans les autres quartiers avaient reçu l’ordre de venir rejoindre le gros de l’armée autour des Tuileries. Plusieurs détachemens avaient ainsi parcouru le boulevard au milieu d’une foule qui ne les attaquait pas, mais dont les menaçantes adjurations, en faveur de la paix et au nom des victimes de la veille, obtenaient d’eux trop facilement de mettre la crosse sur les épaules, de telle sorte que ces nouvelles recrues apportaient à leurs camarades non une force, mais une faiblesse de plus. Les émissaires du ministère nouveau envoyés pour répandre de toutes parts la nouvelle de la retraite définitive de M. Guizot et de l’avènement d’un ministère libéral dévoué à la réforme, avaient pu constater sur tous les points que, devant ces noms, il n’y avait ni démolition des barricades, ni dispersion de la foule.

Malgré la convocation pressante de l’état-major, les gardes nationaux arrivaient dans cliaque quartier sur le lieu de leur rassemblement, eu petit nombre, et profondément divisés. Une grande partie de la population les entourait en les suppliant de ne pas abandonner leur quartier et leurs propres familles au hasard des dangers qui pouvaient les menacer à chaque instant. La plupart écoutaient ces prières et opposaient une résistance passive à la voix de leurs chefs les mieux disposés, de sorte que, sur beaucoup de points, la formation des légions restait partielle et incomplète. Par suite, un petit nombre seulement de bataillons s’étaient rendus sur la place du Carrousel, où la revue passée par le roi n’avait que trop prouvé qu’ils ne constituaient, ni par le nombre, ni surtout par la cohésion, une force capable de faire reculer la révolution qui s’avançait. J’en recueillis une fois de plus le déplorable témoignage, au pied même du perron du palais qui donnait accès aux appartemens particuliers du roi et de la reine, que les gardes nationaux stationnés dans la cour des Tuileries pouvaient avoir plus spécialement à défendre d’un moment à l’autre.

Je m’étais, en effet, rendu au milieu de ces gardes nationaux, à quelques pas des portes mêmes du palais : ils avaient presque tous quitté leurs rangs et formaient des groupes nombreux parmi lesquels figuraient plusieurs officiers en uniforme de ma légion. Je