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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/325

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quelquefois en quatre ou cinq, lorsque le vent soufflait du nord et que les échouages étaient trop nombreux. Aujourd’hui, l’express quotidien, marchant à raison de 32 kilomètres à l’heure, franchit en trois heures cinquante-trois minutes les 127 kilomètres de chemin de fer qui séparent Tien-tsin de la station de Pékin.

Le pays parcouru est à peu près entièrement plat ; ce n’est que peu avant d’arriver qu’on commence à apercevoir vers le nord-est une ligne bleue d’assez hautes collines. En ce mois de septembre, au moment où la saison des pluies finit pour faire place à la sécheresse qui va durer jusqu’à la fin de l’hiver, tout est inondé aux environs de Tien-tsin : le cimetière lui-même, autour duquel tourne la ligne, est en partie couvert d’eau : on voit flotter un cercueil, un autre s’est échoué sur le talus de la voie. Ces tombes paraissent bien peu soignées pour des hommes si respectueux des morts. L’inondation s’étend d’abord presque à perte de vue, puis le sol commence à se montrer. Si on s’attendait à voir incultes ces terrains d’où les eaux se sont à peine retirées, c’est qu’on ne connaît pas encore l’infatigable labeur de l’agriculteur chinois, le soin diligent qu’il apporte à sa tâche. Tout ce qui émerge est déjà ensemencé, les labours s’avancent jusqu’au bord même de l’eau et, à quelques pas de la limite de l’inondation, commence déjà le tapis vert des moissons futures, qui ont vite levé dans le limon humide et gras, sous le chaud soleil de septembre. Les villages, toujours en boue, entourés d’arbres, se multiplient, et l’on se trouve bientôt dans un pays admirablement cultivé, où pas un pouce de terrain n’est perdu, où les champs de blé et de sorgho alternent avec les cultures maraîchères et les vergers.

La station provisoire de Pékin, en planches et tôle galvanisée, s’élève au milieu de ce paysage champêtre ; c’est à peine si l’on aperçoit entre des arbres un pan des hautes murailles de la ville, que la végétation et un léger mouvement de terrain cachent à peu près entièrement. Rien ne prévient le voyageur qu’il se trouve presque aux portes de la capitale du plus vieil empire du monde.

Pour franchir les 1 500 mètres qui séparent la gare de l’entrée de Pékin, il faut remplacer le plus perfectionné par l’un des plus barbares des moyens de transport que l’homme ait à sa disposition. Les Célestes n’ont pas voulu qu’on pût se dispenser, pour pénétrer dans leur sacro-sainte capitale, d’avoir recours à un instrument