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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/385

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en 1897, et pas loin de 50 en 1898. N’a-t-on pas vu, le 29 août dernier, le Koanoake arriver de Dawson City à Seattle, via Saint, Michaëls, avec vingt bons millions d’or ? Et ce n’étaient que les prémices d’une récolte, à laquelle auront coopéré, cette fois, plus de 15 000 moissonneurs.

Dès 1897, la grande nouvelle avait mis en ébullition bien des têtes. Une foule de gens, mineurs de profession ou mineurs improvisés, bouclaient leurs malles à la hâte et partaient, sans bien savoir où il fallait aller. Cette deuxième Californie, cette Californie boréale qui les fascinait, dépendait-elle, politiquement, du Dominion canadien ou des Etats-Unis ? Ils songeaient à peine à s’en informer : et les autorités elles-mêmes auraient pu être assez embarrassées pour les édifier sur ce point.

Maintenant encore, quoique les indécisions de la première heure aient cessé, ceux qui parlent des gold fields du nord-ouest ne leur donnent pas tous le même nom. Aux Etats-Unis, on dit « l’Alaska » ; les Canadiens disent « le Klondyke » ; et c’est, de part et d’autre, une façon de revendiquer, au moins en paroles, ce qu’on s’envie réciproquement. Chacun voudrait tout avoir. Le hasard, cependant, ne paraît pas s’être montré trop partial. Rien assurément ne ressemble moins à une frontière naturelle que cette ligne droite, longue de mille kilomètres et plus, qui, en 1825, fut lancée sur le papier de la pointe du mont Saint-Élie vers le pôle nord pour séparer ce que nos diplomates appelleraient deux sphères d’influence et qui fut maintenue telle quelle en 1867, lorsque l’empereur de Russie, peu soucieux de conserver au-delà des mers une seconde Sibérie, céda ses droits aux Etats-Unis moyennant une indemnité de 36 millions de francs. Ce fragment de méridien, que 141 degrés séparent de celui de Greenwich, coupait forcément d’une manière très arbitraire les glaciers et les plateaux, les forêts et les prairies, les vallées et les cours d’eau. Il coupait aussi, sans le savoir, les couches aurifères dont nul alors ne soupçonnait l’existence ; son tracé tout géométrique en faisait deux parts dont chacune, à un moment donné, s’est prise à jalouser l’autre. La balance penche actuellement du côté du Canada, le Klondyke restant tout entier à l’est de la boundary line ; mais il ne s’ensuit pas que le lot échu à l’Alaska doive être considéré comme médiocre, et la preuve en va être immédiatement donnée.

C’est en 1886 que, pour la première fois, une quantité appréciable de poudre d’or fut tirée, par d’autres mains que celles des