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moi deux sentimens : un grand respect pour celles qui résistent ; une grande indulgence pour celles qui succombent, à laquelle s’est joint un vague désir de venir en aide à celles qui luttent. Le meilleur moyen me paraît être pour cela de faire connaître ce qu’ont tenté jusqu’à présent ceux et surtout celles dont l’activité bienfaisante ne s’en est point tenue à ce vague désir.


III

De ces trois sociétés dont j’ai dessein de parler, la plus ancienne s’appelle : la Société de secours mutuels entre jeunes ouvrières. Elle sollicite en ce moment l’autorisation de changer cette dénomination un peu longue contre celle-ci, plus vivante et plus leste : la Parisienne. Son existence officielle date du 25 septembre 1875. Son existence morale est un peu antérieure. Elle est la fille de cette intéressante communauté des sœurs de Marie Auxiliatrice qui, fondée vers le milieu du siècle par une dame pieuse, dans l’intention un peu vague de venir en aide aux jeunes filles de la classe laborieuse, possède aujourd’hui en France plusieurs maisons importantes, et a pris, en dépit des temps, un développement qui ne cesse de s’accroître. Naguère j’assistais à une touchante cérémonie où il n’y avait pas moins de dix-sept prises de voile ou d’habit. Une des maisons dépendant de la communauté était installée à Paris, dans un fort modeste local, rue de la Tour-d’Auvergne. C’était, c’est encore une petite maison bourgeoise, accommodée tant bien que mal pour les besoins de la communauté. Pour répondre à leurs statuts, les sœurs y avaient fondé un patronage, modeste institution comme il en existe beaucoup à Paris, dont le but est de réunir les jeunes filles, les dimanches ou jours de fête, pour leur offrir des « jeux et des divertissemens honnêtes » et les détourner ainsi de la promenade sur les boulevards, en bande ou en tête à tête, dont les bonnes sœurs se méfient beaucoup.

En rassemblant ainsi ces jeunes filles chaque semaine, les sœurs ne tardèrent pas à être frappées du grand nombre d’entre elles qui étaient anémiées, souffreteuses, fréquemment arrêtées dans leur travail par des indispositions ou des maladies, à qui le bureau de bienfaisance était fermé parce qu’elles n’étaient point classées comme indigentes, et le médecin ou même le pharmacien inaccessible parce que soins et remèdes coûtent trop cher. De là l’idée de créer entre elles une société de secours mutuels qui leur