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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/578

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couper les arbres de Noël et tous ces panaches décoratifs qui remplissent pendant la fête les maisons et les églises.

Les chevaux cependant, habitués à cet exercice, écartent de leurs têtes patientes la ramure qui partout barre le passage, et qui se referme derrière nous, car il n’y a pas de chemin apparent ; la petite voiture roule sans bruit sur la mousse et mon amie descend de temps à autre pour repousser quelque obstacle d’une main adroite et forte. La vie au grand air donne aux femmes, fussent-elles des dames, une vigueur qui passe pour être refusée à leur sexe dans les pays moins rudes et moins libres, où il ne leur est pas encore permis de compter sur elles-mêmes.

La beauté des bois de pins et des pâtures ne doit pas me rendre injuste cependant pour la côte, avec ses baies profondes, ses promontoires, ses îles et ses marais salans.


VI. — LES PLAGES DU NORTH-SHORE

Tout a été dit de Newport, la reine des plages américaines, comme on l’appelle, mais je ne crois pas qu’on ait autant parlé des bains de mer de la côte Nord du Massachusetts (North-Shore) qui n’ont à lui envier que le tapage du luxe. Personne, parmi ceux qui les connaissent, ne leur reprochera de se borner à l’élégance. Et cette élégance n’est pas extérieure seulement, elle implique aussi celle de l’esprit, les innombrables villas qui sont le séjour d’été de la meilleure société bostonienne à Manchester, à Beverly, à Magnolia, dans toutes les localités qui se succèdent jusqu’à l’extrémité du cap Ann, se vantant d’avoir reçu, de recevoir encore les écrivains, les artistes les plus célèbres. Voici Manchester par exemple : la plage, une plage de sable fin et blanc a la curieuse propriété d’émettre des sons d’harmonica lorsqu’on l’agite, d’où son nom de Singing beach, grève chantante. Au-dessus, le rivage est bossue par de grosses roches dont la plupart supportent les plus jolis cottages émergeant d’un fouillis de verdure. J’habite, chez une amie, l’un des mieux situés : il n’est qu’à cinq minutes de la mer, mais séparé d’elle par des bois superbes de chênes, de hêtres et de pins d’où semblent sortir les bateaux de pêche qui s’éparpillent dès l’aube sur cette adorable baie endormie dans le calme du mois de juin. Un massif de rochers nous protège contre le vent, il est couvert de ces roses sauvages simples, mais très odorantes qui courent ici partout ; un couple de rouges-gorges, robins,