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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/586

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joyeuses et cordiales conversations s’engagent, chacun paraissant oublier qu’il y a là une plate-forme et sur la plate-forme un escadron de savantes. Ce ne sont que de vraies jeunes filles aussi gaies, aussi naturelles qu’elles pourraient l’être au bal. L’influence de leurs patronnes et amies, qui n’ont rien de commun avec les institutrices de profession, mais qui possèdent l’usage du monde, l’expérience de la vie, est certainement pour beaucoup dans cette attitude ; elle obtiendrait grâce auprès des plus farouches contempteurs de l’instruction supérieure des femmes. Puissent nos doctoresses de l’avenir ressembler à miss Kate Peterson si parfaitement féminine dans sa souriante acceptation d’une différence injuste au fond ! L’absence de formalisme du « Commencement » de Radcliffe opposée à la pompe un peu emphatique du « Commencement » de Harvard, marque assez qu’aux États-Unis comme ailleurs les femmes de goût cherchent à se faire pardonner ce qu’elles savent. Plus la femme sera l’égale de l’homme, moins elle s’efforcera de le paraître. Les voix charmantes du Glee Club nous le chantaient tout à l’heure, avec le vieil Horace :


Sache replier tes voiles enflées par un vent trop favorable.


Tout en repliant prudemment ses voiles, la nef de Radcliffe College est sûre, beaucoup plus que certains navires trop orgueilleux, — ou trop pressés, — d’arriver glorieusement au port.


TH. BENTZON.