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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/609

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s’amuse, et la pensée du plaisir des autres me console un peu de ne le point partager. » Elle se prive, pendant les absences d’Honoré, de toutes distractions, ne va plus à la Cour, reste au logis avec ses deux enfans, qui seront désormais « les seuls sujets intéressans » pour elle. « Cette vie, dit-elle sans amertume, serait peut-être ennuyeuse pour une autre ; mais elle me plaît : elle est douce, uniforme et tranquille. » Pour dissiper tous les soupçons, elle autorise même son mari à décacheter ses lettres : « Vous ne trouverez dans aucune d’elles rien qui puisse blesser votre délicatesse, et vous m’offensez fort en disant que vous n’avez pas assez de confiance en moi pour les lire. » Et, quand toutes ces avances sont repoussées avec rudesse, la plainte qui lui échappe reste encore mesurée et discrète : « Je sais bien que j’ai toujours tort. Je ne m’en connais qu’un seul, que je ne me pardonne pas, c’est de m’être ruiné la santé par un excès de complaisance que personne n’aurait eu. Le proverbe a raison : Qui se fait brebis, le loup le mange ! »

L’année qui suit voit le triste ménage tourner au véritable enfer. Aux scènes, aux invectives, le prince ajoute maintenant des humiliations de tous genres. Il se lance dans la galanterie, entretient des maîtresses, affiche avec ostentation une actrice on renom de la Comédie Italienne. Un jour, en plein théâtre, il interpelle à haute voix l’Arlequin, lui défend d’approcher d’aussi près, — même sur les planches et dans la pièce, — la femme dont il se proclame le seul seigneur et maître ; il cause un tel scandale que le spectacle cesse, que l’Arlequin, soutenu par le public, dit vertement son fait au prince, et que le parterre, par ses huées, contraint l’interrupteur à quitter brusquement la place. Marie-Catherine, de son côté, ne tarde pas à se donner des torts. Elle regimbe maintenant sous l’outrage, secoue ouvertement le joug, brave des défenses dont l’injustice révolte sa fierté. Cela s’excuse sans doute ; mais elle va plus loin, et dépasse la mesure : elle cherche à s’étourdir, se grise dans les plaisirs frivoles, fait fi de l’opinion du monde, se compromet imprudemment par des légèretés inutiles. Une aventure, insignifiante en soi, défraie un moment la chronique. A la fin d’un souper chez Mme de Beuvron, la princesse et le comte de Thiard pénètrent ensemble dans un boudoir, isolé au bout de l’appartement ; un petit meuble élégant, propre à celer des billets doux, tente leur curiosité ; indiscrètement, ils cherchent à l’ouvrir, la clé dont ils se servent se brise