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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/694

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre.


L’événement le plus considérable de la quinzaine est l’accord commercial entre la France et l’Italie. Les négociations datent déjà de longtemps, mais elles avaient été tenues très secrètes, de sorte que, ni d’un côté, ni de l’autre, on ne s’attendait au dénouement qui s’est produit comme un coup de théâtre. Surprise qui n’a eu, d’ailleurs, rien de désagréable. Si l’on en juge par la lecture des journaux, tant italiens que français, la satisfaction a été vive, et elle s’est exprimée avec beaucoup de spontanéité. Toutefois, il faut se défier des premiers mouvemens, surtout lorsqu’ils sont ou qu’ils paraissent unanimes. La critique a inévitablement son tour : elle trouve partout quelque chose à reprendre. Un arrangement commercial, même le meilleur, y prête inévitablement par quelque endroit, et ne peut se justifier que par l’expérience. Quoi qu’il en soit, la première impression a été bonne, à Rome et à Paris, et cela vaut la peine d’être constaté. Avant même qu’on ait eu le temps d’étudier de près l’arrangement, on s’est montré heureux qu’il ait été conclu, et on en a espéré entre la France et l’Italie une détente qui, du domaine économique, pourrait passer à un autre. Cela permet de croire qu’il y a eu plus de malentendus entre elles que de dissentimens véritables. À vrai dire, nous n’en avons jamais douté. Nous ignorons si le pas qui vient d*être fait sera suivi par d’autres ; mais, pour que lui-même ait été possible, il a fallu que la situation réciproque de la France et de l’Italie se fût déjà modifiée profondément depuis dix ans. Il y a dix ans, M. Crispi gouvernait l’Italie : M. Crispi, croyons-nous, vit encore, mais il n’est déjà plus qu’un souvenir.

Toutes ses prévisions ayant été trompées, tous ses calculs ayant été déjoués, on ne peut pas le regarder comme un grand prophète : cependant il n’avait pas tort de croire que les rapports commerciaux de deux pays ne sont pas indifférens à leurs rapports généraux. C’est l’influence du corps sur l’âme ; elle est quelquefois déterminante.