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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/696

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souffert pour notre large part. A prendre les chiffres de notre commerce réciproque, on voit que, si la diminution de nos affaires n’a pas été égale de part et d’autre, il s’en est fallu de peu. En 1887, l’importation des produits italiens en France était de 307 709 000 francs ; l’année suivante, 1888, elle n’a plus été que de 181 163 000 francs ; l’année dernière, 1897, elle est descendue à 131 738 000. La diminution a donc été immédiate, et elle a toujours été en s’accentuant. Du côté français, le mal n’a pas été beaucoup moindre. Nos exportations dans la péninsule, qui se chiffraient en 1887 par 326 188 000 francs, sont descendues en 1897 à 160 833 000. Si on veut établir une proportion, on constate que l’importation des produits italiens en France a diminué de 57 p. 100, et que l’exportation des produits français en Italie a diminué de 50 p. 100. Tel est le bilan final d’une guerre de dix ans : de part et d’autre, il y avait intérêt à y mettre fin.

On n’a d’ailleurs pas tardé à s’apercevoir, à Rome, de la faute commise. Les événemens européens sur lesquels M. Crispi avait compté ne s’étant pas produits, il restait une grande perturbation économique, sans aucune compensation. L’Italie avait majoré contre nous son tarif général ; nous avions majoré le nôtre contre elle ; au bout de moins de deux ans de ce régime, elle a commencé la première à désarmer. Dès le 1er janvier 1890, elle a supprimé ses majorations. Nous aurions pu suivre aussitôt son exemple ; peut-être même l’aurions-nous dû ; cependant, nous ne l’avons pas fait. Nous étions alors en pleine voie de transformation douanière. Le Parlement se livrait à une étude et à une refonte complète de nos tarifs. C’est l’œuvre de M. Méline, approuvée par les uns, désapprouvée par les autres, et dont ce n’est pas le moment d’apprécier la valeur. On sait que le nouveau tarif est devenu la loi du 11 janvier 1892. Nous avons, à partir de cette date, appliqué notre tarif maximum à l’Italie.

Ce n’était pas encore la paix ; ce n’était pas non plus tout à fait la guerre. La forteresse douanière subsistait des deux côtés, mais on avait supprimé les œuvres d’art complémentaires qui en aggravaient l’aspect rébarbatif et aussi la force prohibitive. En somme la France et l’Italie se traitaient réciproquement comme se traitent les nations qui n’ont pas entre elles d’arrangement spécial. Cela ressemble un peu à la paix armée. Il faut reconnaître une fois de plus que, dans cette seconde période, qui s’est écoulée depuis 1892 jusqu’à aujourd’hui, c’est encore l’Italie qui a continué de prendre les initiatives conciliantes. M. Crispi est définitivement tombé, et il a été remplacé par des hommes animés d’un autre esprit que le sien. M. le marquis di Rudini d’abord,