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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/700

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restent. Heureusement cette opposition ne parait pas aujourd’hui très redoutable.

Quant aux autres pays, et particulièrement à l’Allemagne et à l’Angleterre, ils ont fait un assez bon accueil à la nouvelle de notre arrangement. Les journaux anglais se sont empressés de dire qu’ils étaient enchantés de tout ce qui pouvait arriver à l’Italie d’heureux et de profitable, et qu’ils connaissaient d’ailleurs assez bien ses sentimens pour ne pas douter de leur inébranlable constance. Il y a, d’après eux, entre Londres et Rome des liens qui ne sont pas près de se rompre, et qui garderont toute leur force après comme avant l’entente commerciale avec la France. Les journaux allemands ont développé le même thème, et ils l’ont fait généralement avec convenance. Quelques-uns, toutefois, ont cru devoir se livrer à l’ironie, et, comme ils l’ont un peu lourde, ils se sont félicités de voir la France fournir de l’argent à l’Italie pour développer ses armemens : à les entendre, leur pauvre alliée en avait grand besoin ! S’il en était ainsi, et si l’Italie s’était laissé guider par les sentimens qu’on lui prête, nous aurions joué un rôle un peu naïf ; mais nous n’en croyons rien, et nous serions tentés de voir plutôt du dépit dans les articles de journaux auxquels nous songeons. Ils ont été d’ailleurs assez rares. Qu’il y ait, au surplus, un certain fond de vérité dans les commentaires de la presse anglaise et allemande, nous sommes les premiers à le reconnaître. Nous avons dit et nous répétons volontiers que l’Italie, en se mettant d’accord avec nous sur le terrain économique, n’a pas encore eu l’idée de modifier sa politique générale. Elle est aujourd’hui ce qu’elle était hier, et l’Angleterre, ainsi que l’Allemagne, ont raison de compter sur sa fidélité aux engagemens qu’elle a pu contracter. Mais nous avons vu par son propre exemple qu’il y a plusieurs manières de pratiquer une même politique : il y a eu celle de M. Crispi, et il y a eu depuis celle de M. di Rudini et de M. le général Pelloux. La première était provocante et hargneuse, la seconde est correcte et presque amicale. Cela fait une différence appréciable. Nous aimons mieux avoir de l’autre côté de la frontière un voisin satisfait qu’un voisin mécontent, et, si d’autres se sont appliqués autrefois à le tenir contre nous dans un état d’inquiétude et de surexcitation agressives, nous préférons ceux qui le ramènent doucement aux pensées et aux mœurs de la paix. Après avoir souffert de la première politique, il est naturel que nous favorisions la seconde. Nous n’y sacrifierons aucun de nos intérêts essentiels, et nous n’approuverions pas l’arrangement commercial s’il les compromettait en quoi que ce fût ; mais il ne mérite pas ce reproche. Il est avantageux