Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/723

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qu’il a fait, aucune autre religion ne l’a fait. Il est unique ! Et ne voyez-vous pas la conséquence qui en résulte ? S’il est unique, il est bien près d’être ce qu’on appelle « extraordinaire ; » il l’est de fait ; et il l’est non point en vertu d’une idée préconçue, mais vraiment d’une certitude objective et positive ou positiviste.

Et nous pouvons aller plus loin ! Nous pouvons, comme positivistes, mettre à part, et placer au-dessus de toutes les communions chrétiennes celle qui satisfera le mieux et le plus pleinement notre « besoin de croire. » Si donc le « besoin de croire » implique nécessairement la constitution d’une autorité qui fixe la croyance, ou plutôt et pour mieux dire, qui la maintienne inaltérée d’âge en âge, qui la dégage en toute circonstance de l’arbitraire des opinions individuelles, et qui la ramène, aussi souvent qu’il le faut, à son premier principe ; — si l’on ne conçoit pas de croyance indépendamment d’une tradition qui en soit le dépôt, qui en rende compte, ou sans une continuité qui en soit comme la garantie ; — si la croyance, héritée des ancêtres et transmissible à ceux qui nous suivront, non seulement se partage aux vivans comme aux morts, mais ne souffre pas de ce partage, et s’il semble au contraire qu’elle en soit fortifiée ; — s’il n’y a pas de lien plus solide que celui des croyances, si ce sont elles qui rapprochent, qui unissent, qui solidarisent les hommes, et littéralement qui les organisent en sociétés, et non les intérêts, ou les passions, ou les idées pures, la conséquence n’est-elle pas évidente ; et précisément n’est-ce pas la situation du catholicisme ? Le catholicisme est social. C’est ce que personne encore, de nos jours, n’a mieux montré qu’Auguste Comte, et si personne ne l’a mieux montré, que lui a-t-il manqué pour faire le dernier pas ? ou pour essayer de le faire ? pour se dégager du point de vue de « l’immanence » et pour oser se placer résolument au point de vue de la « transcendance ? » Il lui a manqué deux choses, et deux choses qui n’en sont qu’une. Il lui a manqué le courage de reconnaître la fausseté de cette prétendue « Loi des trois états », où jusqu’à son dernier jour il a vu sa grande découverte ; et il lui a manqué un peu d’humilité. Manquer d’humilité, vous le savez, hélas ! c’est ce qu’on pourrait appeler la grande hérésie des temps modernes ; et si toutes les hérésies ne sont à vrai dire que l’épanouissement doctrinal d’un vice premier de la nature humaine, notre grand vice à nous, dans notre siècle, ou même depuis quatre ou cinq cents ans, c’est l’orgueil. Nous n’avons retenu de la Genèse que le mot du serpent : Et eritis sicut Dii.

Vous me permettrez de m’arrêter ici. J’ai tâché de vous