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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/726

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bon sens, de bonne grâce et d’esprit, a critiqué avec vigueur la politique douanière que nous appliquons à nos colonies ; et M. Ribot lui a donné raison, en ajoutant qu’il s’en remettait à la sagesse de M. le ministre des Affaires étrangères de ce qu’il y avait à faire dans l’avenir. Et la Chambre, loin de contester, a approuvé et a applaudi, cette Chambre si protectionniste, qui jusqu’à ce jour, avait refusé d’écouter, en pareille matière, une parole de prudence et de modération. Il y a là un heureux symptôme. Avions-nous tort, il y a quinze jours, de dire qu’une transformation s’opérait dans les esprits, et que, si elle était lente, elle était certaine ? Les faits nous ont justifié. Nous ajoutions, à la vérité, que cette heureuse évolution pouvait s’arrêter tout net si l’Angleterre, par une brusquerie déplacée, cherchait à nous imposer des solutions qu’on ne doit attendre et qu’on ne peut obtenir que du progrès naturel de nos idées. Et c’est une observation qui, à ce sujet comme à beaucoup d’autres, est encore bonne à reproduire aujourd’hui.

M. Ribot, M. Cochin, M. d’Estournelles, et après eux M. Delcassé, dans le discours qui a clos la discussion générale du budget, ont dit dans les meilleurs termes chacun ce qu’il avait à dire. La conscience de la Chambre se sentait soulagée à mesure que son esprit s’éclairait. De telles séances sont utiles, bienfaisantes même. Nous ignorons si des conversations sont ouvertes entre le gouvernement français et le gouvernement britannique ; mais nous l’espérons. En Angleterre, la campagne des journaux semble se modérer ; la campagne des discours politiques paraît finie, ou change de caractère. On a assez écrit, assez parlé pour exciter l’opinion. Le tour des écrivains et des orateurs est passé ; celui des diplomates est venu. Nos orateurs, à nous, n’ont pas dit un mot de trop ; nos journalistes eux-mêmes ont toujours gardé leur sang-froid, ce qui n’a pas été sans quelque mérite. Nous ne doutons pas que nos diplomates ne montrent proportionnellement, c’est-à-dire à un degré beaucoup plus élevé, des qualités analogues. Dès lors, pour peu que l’Angleterre le veuille, les dissentimens d’hier seront bientôt effacés. Ils le seraient déjà, si le gouvernement anglais avait consenti à s’en expliquer plus tôt.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIÈRE.