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travailler, ce qui occasionnerait une énorme perte de temps. Pour obvier à cet inconvénient, on a imaginé la charrue à retournement ; une des plus employées est dite brabant double, ou encore tourne-oreilles. Sur le même âge se trouvent deux charrues complètes : coutre, soc et versoir ; elles sont montées dans le même plan vertical de telle sorte que l’une soit l’image de l’autre vue dans une glace. L’âge, sur lequel les deux charrues sont fixées, est mobile autour d’un axe horizontal et on peut, à volonté, faire travailler l’une ou l’autre des deux charrues.

Nous partons, le versoir rejette à droite la bande de terre découpée ; lorsque nous sommes arrivés à l’extrémité du parcours, nous ramenons la charrue à côté du sillon qu’elle vient de tracer, nous tournons l’âge et nous substituons à la charrue qui verse la terre à droite celle qui la couche à gauche, et les bandes, successivement détachées à l’aller et au retour, s’appuient régulièrement les unes sur les autres. Les brabans doubles sont souvent attelés de quatre bœufs et, bien qu’ils ne portent pas de mancherons, deux hommes sont nécessaires pour les conduire : l’un dirige l’attelage, l’autre, à l’arrière, s’assure que l’instrument fonctionne convenablement. Pour labourer avec la vieille charrue, un homme suffit ; il tient les mancherons et les guides des chevaux ; au départ, il vise un point de repère à l’extrémité de la pièce, dirige ses animaux assez adroitement pour que le sillon soit droit. On n’y réussit pas du premier coup et, bien souvent, nos jeunes gens de Grignon, qui, au début, sont plus habitués à feuilleter un dictionnaire ou à résoudre une équation qu’à conduire un attelage, ne tracent que des sillons ondulés ; ils s’appliquent cependant à suivre les indications du laboureur expérimenté qui les assiste de ses conseils, afin d’éviter les lazzis des camarades qui, impitoyablement, soulignent les maladresses.

La résistance que la terre oppose au travail de la charrue, croît avec sa ténacité et la profondeur du labour ; pour attaquer les terres fortes, on est amené à augmenter le nombre des animaux de trait ; on ne peut cependant dépasser une certaine limite, les difficultés de conduire de très longs attelages, de leur faire combiner leurs efforts, s’augmentent très vite et forcent de substituer aux animaux une machine à vapeur.

Le labourage à vapeur emploie presque toujours une machine locomobile qui, fixée sur le chemin qui borde la pièce à labourer, fait mouvoir un câble sans fin, lequel glisse, d’une part, sur une