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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/113

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seule traite depuis Fontainebleau, le duc et la duchesse de Bourgogne. La Princesse passa cette dernière soirée chez Mme de Maintenon. Elle pleura encore un peu ; « mais, vers dix heures, elle s’alla coucher, et si inopinément que, hors sa première femme de chambre, les autres femmes et la plupart des domestiques ne s’y trouvèrent pas. » Le duc de Bourgogne avait soupé avec le Roi. Vers la même heure, il alla se déshabiller dans le nouvel appartement qui avait été construit pour lui. Ce fut là que Breteuil, en sa qualité de maître des cérémonies, vint le chercher. « Il avoit, raconte Breteuil, la tête fort frisée, et la magnificence de son déshabillé et de sa toilette sentait la noce. Il partit de son appartement avec un air courageux et assez enjoué, et, comme j’avois l’honneur de lui tenir son bougeoir, je le conduisis jusqu’à la porte du champ de bataille… Tout cela se dépescha si vite que le Roi, qui leur avoit dit qu’il iroit seul, par les derrières de leur appartement, les voir dans leur lit, y arriva trop tard et n’entra point. »

Le lendemain matin, à huit heures et demie, le duc de Bourgogne passa dans son appartement. On alla à son lever avec un peu plus d’empressement qu’à l’ordinaire, et les vieux courtisons ne purent s’empêcher de se faire remarquer les uns aux autres qu’il avait les yeux battus et paraissait fatigué. « Tirez-en vos conséquences, » ajoute Breteuil[1]. Quant à la duchesse de Bourgogne, elle se leva vers neuf heures, et monta aussitôt en carrosse pour se rendre à Saint-Cyr, où l’attendait Mme de Maintenon. Il n’y eut le soir à la Cour ni comédie ni appartement ; mais le duc de Bourgogne retourna coucher dans son nouveau logement. Il en fut ainsi pendant quelque temps, de deux jours l’un, jusqu’au mois de novembre. À la date du 11 de ce mois, nous trouvons en effet cette mention dans le journal de Dangeau : « Monseigneur le duc de Bourgogne prend le train de coucher tous les jours chez Madame la duchesse de Bourgogne. Il ne veut plus faire lit à part[2]. »

Si discrètement que les choses eussent été conduites, les moindres événemens qui se passaient à la Cour intéressaient trop le public pour que tout le monde ne fût pas mis dans la confidence. Le Mercure de France prenait ce soin dans son numéro

  1. C’est dans une lettre à un ami annexée à ses Mémoires, un peu secs on général, que Breteuil rapporte ces détails. Voir le manuscrit de la Bibliothèque de l’Arsenal, vol. de 1699 à 1701.
  2. Dangeau, t. VII, p. 187.