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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/145

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nationaux à un droit de préemption sur toutes les concessions de voies ferrées ou de mines que le gouvernement chinois pourrait accorder dans cette province.

La Russie, de son côté, instruite par l’expérience des négociations anglo-chinoises, s’était rendu compte qu’en retardant davantage l’occupation de la presqu’île du Liao-toung, elle risquerait, sinon d’y être devancée par une rivale, du moins de laisser s’y créer des intérêts internationaux qui rendraient plus difficile l’exécution de ses projets. Elle n’hésita donc plus à agir rapidement et, le 27 mars, elle arracha à la Chine la signature d’une convention qui lui cédait à bail Port-Arthur et Talien-wan et l’autorisait à construire un embranchement reliant ces ports au chemin de fer de l’Est-Chinois. Elle était donc arrivée à ses fins. Le Transsibérien avait un terminus sur la mer libre, et, de l’entrée du golfe du Pet-chili, elle pouvait menacer Pékin. On crut un moment que la lutte si longtemps différée de la Baleine et de l’Eléphant allait éclater cette fois.

Deux navires anglais étaient mouillés à Port-Arthur quand ce point fut cédé à la Russie ; ils en partirent, mais, le 29 mars, la formidable escadre britannique d’Extrême-Orient, énormément renforcée pendant tout l’hiver, se mobilisait, et une partie remontait vers le nord, tandis qu’une autre se tenait vers l’embouchure du Yang-tze, prête à occuper, dit-on, les îles Chousan qui commandent l’entrée du fleuve. Toutefois la Russie se montra prudente : pour ne pas jeter complètement le redoutable appoint du Japon du côté de l’Angleterre, elle avait déclaré, le 18 mars, renoncer à toute intervention active en Corée, et laisser le champ libre en ce pays, sinon à l’action politique, du moins aux intérêts économiques de l’Empire du Soleil-Levant. Le conflit violent fut évité, mais l’opposition irréductible des intérêts russes et anglais, jointe à l’accumulation, dans les mers de Chine, de navires de guerre de toutes nations envoyés là en hâte depuis l’affaire de Kiao-tchéou, maintint un sentiment d’inquiétude trop justifiée, et l’irritation resta grande dans le public anglais.

Elle s’accrut encore par la conclusion en avril d’un accord franco-chinois, bien anodin pourtant. Restant, selon notre politique habituelle, confinés dans les régions pauvres du Sud, nous obtenions de la Chine l’engagement de n’aliéner d’aucune manière les territoires compris dans les trois provinces limitrophes du Tonkin, et de ne jamais céder à aucune puissance