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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/190

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travailleurs, plus sûre de débouchés que celle d’aucune nation.

Chacun de ces avènemens a porté une atteinte à la situation économique de l’Angleterre et de la France. Comme l’accroissement de la production n’était pas mesuré sur l’accroissement des besoins, l’industrie, autrefois sollicitée de plus de cliens qu’elle n’en pouvait satisfaire, a fini par fabriquer plus de marchandises qu’elle n’en peut écouler. Ce fait a changé toute la hiérarchie des relations entre le fournisseur et l’acheteur. Le temps a disparu où le client était l’empressé, faisait queue, réduit à la part toujours retenue d’avance et toujours trop faible que voulait bien lui attribuer le fabricant. Aujourd’hui, ce sont les commerçans qui se disputent la clientèle trop rare, c’est elle qui, maîtresse de choisir, se donne et se reprend. Pour la détacher de ses vieux fournisseurs, les nouveaux concurrens ont opposé aux anciennes habitudes une tactique nouvelle. Parmi eux, nul ne s’est montré aussi sûr de sa méthode et aussi persévérant en ses progrès que l’Allemagne. Constater ce qu’elle fait est se donner une vision exacte de ce que tentent tous les autres et de ce que sera le commerce désormais.

On a affirmé, puis on l’a nié, que, le jour où Metz ouvrit ses portes, Frédéric-Charles aurait dit : « La victoire militaire nous appartient, il nous reste maintenant à gagner la victoire industrielle. » Annoncé ou non, le dessein fui suivi. Dès la paix, l’Allemagne a cherché la science de la richesse, comme auparavant la science de la guerre, et elle a porté dans l’un et dans l’autre travail les mêmes procédés et le même esprit. En 1870, elle avait sur les champs de bataille blessé à mort la guerre d’improvisation, elle s’est depuis préparée à ruiner le commerce d’aventure. Le hasard, la fortune, superstitions en qui l’ignorance espère les yeux fermés, sont les inconnues d’un problème que le calcul attentif et patient doit résoudre. L’Allemagne a employé, pour résoudre l’un et l’autre problème, les mêmes procédés de déduction juste, de recherche rigoureuse, et d’observation intelligente. Et de même que les triomphes militaires étaient dus au concours ordonné des diverses armes, elle a voulu atteindre la primauté commerciale par une collaboration rationnelle entre les hommes d’affaires, les hommes de science, et les hommes de métier.

Aux hommes d’affaires appartient de décider à quel genre d’entreprise ils consacreront leur activité, de prévoir l’importance promise à ce commerce et de réunir les moyens d’exécution. Que ces hommes, a conclu le bon sens germanique, se trompent sur