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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/196

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grecques, italiennes, autrichiennes, allemandes ont, dans les colonies de leur nation, trouvé à souhait courtiers et commissionnaires, et se sont assuré leur zèle en leur abandonnant de 3 à 5 pour 100 sur les affaires qu’ils traitent. Les représentai spéciaux des grands industriels ne se contentent pas de vendre dans les ports, et d’y attendre les trafiquans en gros, mais, de plus en plus, pénètrent dans l’intérieur du pays et dans les boutiques des petits marchands. Cette connaissance des contrées et des hommes leur permet de cesser toute affaire avec les Orientaux insolvables, d’accorder aux autres du temps : et comme les marchands, à cause des mœurs locales, ne vendent ni ne sont payés vite, nos nouveaux adversaires accordent aux cliens sûrs un crédit de six mois, et le renouvellent, si les circonstances justifient un plus long délai.

Ces innovations ont surpris la quiétude de la France et de l’Angleterre. Celle-ci, jusque sur son propre sol, pâtit déjà de la concurrence allemande. Par-là, elle commence à expier son égoïsme de 1870, cette neutralité indifférente où le gouvernement anglais sut enchaîner la bonne volonté des peuples mieux disposés en notre faveur, cette licence donnée à la nation sœur en protestantisme d’achever la France sans un murmure de l’Europe. L’Angleterre, si elle n’a jamais le remords du mal qu’elle fait, a toujours le remords du mal qu’elle souffre. D’abord dédaigneuse de ses nouveaux concurrens, elle a compris qu’il lui fallait les imiter pour se défendre. En Orient, elle n’a pas tenté d’égaler leur assiduité et leurs flatteries à la clientèle : la raideur britannique en était incapable, mais elle s’est mise à faire moins bon et à vendre moins cher. Elle ralentit ainsi le déclin de ses affaires et, d’ailleurs, elle a une telle avance qu’elle peut perdre beaucoup encore sans perdre le premier rang. La France, plus pauvre d’avantages, devait les garder avec plus de soin. Elle n’a pas même paru consciente du péril. Sauf quelques industries, les plus difficiles, qui ont tenté l’intelligence d’hommes éminens, et prouvent, par des succès hors de pair, ce dont l’activité française serait capable, notre commerce a continué à vivre de routine. Dans ce monde du travail, le premier des travaux, l’étude de la profession, reste délaissé. Nous semblons avoir les mêmes remèdes que nos rivaux, mais ce sont des étiquettes sur des flacons vides. En 1897, nos onze écoles supérieures de commerce avaient 611 élèves, et nos vingt et une écoles pratiques, dont plusieurs