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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/202

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empruntées à différens organes des animaux. Héritière de ces traditions, l’antique pharmacopée introduisait en des potions ou apozèmes aussi bizarres que répugnans le sang du renard, le corps de la vipère, le foie du chien et le cœur de la tourterelle. L’homme mordu par un chien enragé devait manger la chair de l’animal qui l’avait blessé. Il n’y a pas d’intérêt à rechercher les raisons qui inspiraient de telles pratiques. Il suffira de faire remarquer, avec M. Landouzy, qu’elles ne sont pas sans présenter quelques ressemblances curieuses avec la méthode opothérapique moderne. Mais, d’autre part, elles s’en distinguent par la pensée qui les inspirait et qui n’était autre chose qu’une idée superstitieuse, tandis que l’opothérapie moderne s’appuie sur une doctrine physiologique bien établie, la doctrine des sécrétions internes.

La notion des sécrétions internes n’est pas due à Brown-Séquard. Il n’a créé ni le nom ni la doctrine, ni même apporté aucun argument nouveau et certain à son appui. Mais il l’a vulgarisée dans le monde médical ; et les médecins, en reconnaissance de cet enseignement nouveau pour eux, mais banal pour les physiologistes, ont attribué à leur maître une découverte qu’il n’eût sans doute pas réclamée.

Dès le début, alors que ses tentatives rencontraient presque partout un accueil défiant ou ironique, Brown-Séquard les plaça sous la protection de ce principe physiologique que Legallois avait clairement exprimé en 1801, dont Claude Bernard avait donné une démonstration positive avant 1855, et auquel les travaux plus récens de Schiff, Reverdin et Kocher sur la thyroïde, de von Mering et Minkowski en ce qui concerne le pancréas, venaient d’apporter précisément une consécration nouvelle et définitive. Ainsi justifiée dans son point de départ, l’opothérapie se présentait comme une méthode rationnelle et véritablement scientifique ; elle échappait au reproche de grossier empirisme sous lequel elle eût été accablée.

Réduite à elle-même, il lui aurait fallu, pour s’imposer au monde médical, des succès miraculeux et invariables, impossibles à espérer. Au contraire, offerte comme une simple application des vérités physiologiques expérimentalement démontrées, il devait suffire qu’elle constituât une médication avantageuse, utile, plus ou moins curative, pour se faire une place dans la pratique. Et c’est en effet ainsi que les choses se sont passées. L’Opothérapie est bien loin d’avoir justifié les enthousiasmes de son