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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/209

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Le désastre est resté partiel. La pratique a été sauvée par la théorie. Elle était l’application, incorrecte sans doute et mal interprétée, d’une solide doctrine, celle des sécrétions internes. Cette fondation scientifique, indestructible, a permis, après l’écroulement de la première construction, d’en élever d’autres. De celles-là, l’opothérapie thyroïdienne est de beaucoup la mieux venue. On a vu surgir à côté d’elle, avec des fortunes diverses, les médications par les sucs pancréatique, hépatique, splénique, ganglionnaire, pulmonaire, rénal, surrénal, ostéo-médullaire et nerveux.

Une place à part doit être faite à la médication ovarienne. On a vu tout à l’heure que le suc orchidien, actif comme la plupart des sucs animaux, ne l’était pourtant pas à la façon qu’imaginaient les médecins opothérapistes. Il ne remédiait pas, chez les animaux, à l’émasculation ; il exerçait, suivant des circonstances diverses et mal précisées, des actions inégales et quelquefois différentes de celles que l’on attendait.

Le suc ovarien semble s’être montré moins irrégulier. L’opération qui chez les mâles de beaucoup d’espèces constitue une pratique ordinaire de l’élevage n’est que très accidentellement exécutée chez la femelle. Cependant elle l’a été assez de fois pour que l’on en connaisse exactement les conséquences.

On les connaît aussi en ce qui concerne l’espèce humaine. La généralisation des méthodes gynécologiques en a permis l’observation. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les effets chez la femme en sont aussi marqués que chez l’homme ; l’organisme tout entier en ressent aussi fortement le contre-coup. Pratiquée dans l’enfance ou la jeunesse pour remédier à quelque affection grave, l’opération a pour conséquence l’arrêt du développement. C’est le même fait qui se produit chez l’homme. La taille, les formes, la voix, le développement mental, le caractère, restent immobilisés ; le corps vieillit en conservant l’apparence caricaturale de l’enfance ; les tissus s’empâtent et sont envahis par la graisse. Si l’ablation a lieu plus tard et si elle est complète, la femme tend à perdre les caractères de son sexe : elle se masculinise ; la voix prend une gravité et une rudesse toutes viriles ; le léger duvet qui naguère ombrait à peine les lèvres et les joues se développe au point qu’il ne déparerait pas un visage masculin.

La médication par le suc ovarien ne change rien à ce tableau. Mais elle remédie à d’autres désordres, à des accidens aigus qui suivent l’opération plus ou moins complète et qui