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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/308

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À l’intérieur, le spectacle n’est pas moins saisissant. Le grand mur du fond de la scène, qui s’appuie sur la façade extérieure, est bien conservé, et l’on y voit partout la trace des ornemens dont il était couvert. Quant à la scène elle-même, grâce à ce qui en reste, on peut la recomposer presque dans ses moindres détails. On a vu que c’était la partie la plus intéressante du théâtre d’Orange. Je crois inutile de la décrire de nouveau ; ce que j’en dirais n’ajouterait rien aux belles planches de Garistie, dont l’ouvrage est devenu partout classique[1]. J’aime mieux tourner ailleurs mes observations.

Pendant que je regarde de tous les côtés, que je compare ce bel édifice à ceux du même genre que j’ai vus en France, en Italie, en Afrique, et que, les complétant les uns par les autres, j’essaie de me remettre devant les yeux un théâtre antique dans son intégrité, je me persuade de plus en plus que ce travail auquel je me livre n’est pas une simple et vaine curiosité. À mesure que je me rends mieux compte de toutes les parties de ces vastes constructions et que je m’en fais une idée plus nette, il me semble que je comprends mieux les pièces qu’on y représentait. Sans doute le théâtre a été fait pour elles, mais elles aussi sont faites pour le théâtre ; elles se sont instinctivement accommodées et appropriées aux lieux où elles devaient paraître. Les conditions mêmes de leur représentation leur ont imposé certaines nécessités, qu’elles ont subies, et dont plus tard on a fait des règles. On peut prouver que beaucoup de leurs qualités et de leurs défauts, auxquels on cherche des raisons subtiles, n’ont pas d’autre origine. Si je voulais le montrer d’une manière générale, le sujet serait trop étendu ; il faut se borner. Je laisse donc entièrement de côté la Grèce ; pour Rome, je m’en tiens à la comédie, et même, dans la comédie romaine, je ne m’occuperai guère que des débuts, c’est-à-dire des pièces de Plaute, qui, avec celles de Térence, sont les seules que nous possédions aujourd’hui.

Je sais bien qu’à l’époque de Plaute et de Térence, les théâtres comme celui d’Orange n’existaient pas : c’est Pompée qui a bâti le premier qu’on ait construit en pierre. Les théâtres en bois avaient précédé, et, auparavant, il y en avait de plus élémentaires et de plus simples encore. Mais de tout temps, même aux époques les plus reculées, un théâtre s’est composé, chez les Romains,

  1. Monumens antiques à Orange, arc de triomphe, théâtre, par Caristie. Paris, Didot, 1856.