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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/339

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mais que mon premier devoir était l’intérêt de mon pays ; que, si la politique traditionnelle de la France avait toujours été de s’opposer à l’influence exclusive de l’Autriche en Italie, mon gouvernement ne pouvait pas encourager une ligne de conduite agressive du Piémont, ni le soutenir dans une lutte où le droit ne serait pas de son côté ; mais que par contre il pouvait compter qu’il serait énergiquement appuyé s’il était attaqué. Les pourparlers n’eurent pas d’autre suite. Mais, au mois de novembre, l’excitation des esprits a repris en Italie, soit provoquée par les mesures impopulaires de l’Autriche, soit par des propos indiscrets tenus à Turin ; tout à coup des bruits de guerre se sont répandus, fondés sur nos relations avec l’Autriche, et ont provoqué une grande agitation. Depuis lors, malgré les déclarations pacifiques du Moniteur, tout a été interprété dans un sens belliqueux. Les préoccupations sont si vives qu’il me serait difficile de persuader l’opinion que je ne suis pas occupé à faire d’immenses préparatifs. Cependant la simple prudence m’ordonne de faire plus que je ne fais, car je ne puis m’aveugler sur le mauvais vouloir qui m’entoure. Je suis d’ailleurs pressé par le roi de Sardaigne de porter 20 000 hommes sur les Alpes pour parer à une attaque autrichienne. Je ne suis donc pas responsable de l’agitation, je ne m’en préoccupe pas d’ailleurs. Mais ce qui me blesse profondément comme homme et comme souverain, c’est que de simples bruits de guerre suffisent pour faire douter de ma modération et me faire accuser d’ambition. Malgré les complications qui peuvent surgir au-delà des Alpes et qui me touchent de près, on semble refuser à la France par anticipation l’influence qu’elle doit à son rang et à son histoire. L’Allemagne est-elle intervenue dans notre querelle avec la Russie ? Et l’Europe est-elle intervenue lorsque l’Allemagne a soutenu la cause du Holstein contre le Danemark ?

« J’avoue que cette attitude de l’Allemagne me donne à penser et que j’y vois de sérieux dangers pour l’avenir. J’ai le respect des traités ; je sais qu’on ne peut les changer sans l’assentiment général ; mais le respect des traités ne s’oppose nullement à mon devoir, qui est de suivre la politique en harmonie avec le bonheur et les intérêts de mon pays. »

A Windsor, on ne fut ni édifié ni rassuré par ces explications entremêlées d’expressions amères. Il était trop manifeste que Napoléon III cherchait à gagner du temps et à donner le change sur ses desseins véritables. Le gouvernement anglais