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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/348

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risques elle pouvait frapper le Piémont et l’écraser ; on lui faisait perdre le bénéfice d’une détermination énergique qui eût décontenancé la France et entraîné l’Allemagne. En la paralysant par des négociations compliquées et sans issue, on permettait à ses ennemis de précipiter à leur tour leurs arméniens et d’opérer leur jonction. C’était le cas de dire : « Que Dieu me garde de mes amis, je me charge de mes ennemis ! »

Le 13 février, après de longues hésitations, le ministère Derby prit enfin sa résolution. Espérant concilier les sympathies de l’opinion anglaise pour l’Italie avec les intérêts de sa politique, étroitement associée à celle du cabinet de Vienne à Constantinople, il proposa son intervention amicale entre la France et l’Autriche, autrement dit sa médiation officieuse. Evacuation des États pontificaux par les corps d’occupation français et autrichiens ; réformes libérales dans toute la péninsule ; renonciation de l’Autriche à ses traités secrets, et promesse de ne pas attaquer le Piémont : tel était grosso modo le programme de lord Malmesbury. L’ambassadeur de la Reine à Paris devait, après avoir discuté et arrêté ces conditions avec le gouvernement impérial, se rendre à Vienne pour les y faire prévaloir par la persuasion. Lord Cowley était tout désigné pour cette délicate mission. L’Empereur, qui appréciait sa loyauté, l’écoutait volontiers, et l’antipathie qu’il manifestait hautement contre le comte de Cavour le recommandait tout particulièrement à la Cour de Vienne. Napoléon III ne se fit donc pas prier pour accepter, sauf quelques modifications, les propositions anglaises ; il ne s’illusionnait pas cependant sur les arrière-pensées dont elles s’inspiraient. Il savait que le ministère Derby n’avait imaginé la mission de lord Cowley que pour troubler son jeu.

Le 22 février, lord Cowley partait pour Vienne. Sa mission n’avait pas de caractère officiel ; il devait s’assurer si les vues du gouvernement autrichien se conciliaient avec celles du gouvernement français. On s’en remettait à son éloquence, à son savoir-faire, pour convertir l’Autriche à une entente avec le cabinet des Tuileries sur les bases proposées par lord Malmesbury.

Au moment où lord Cowley quittait Paris, on apprit que le gouvernement pontifical se déclarait prêt à entrer en arrangemens avec la France et l’Autriche pour combiner à bref délai le retrait de leurs corps d’occupation, et que d’autre part le comte Buol prenait vis-à-vis de l’Angleterre l’engagement de ne pas