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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/356

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« Pourquoi, disait-il, recommencer une nouvelle guerre, après celle de Crimée si inespérément heureuse, qui a valu à l’Empereur une position immense en Europe ? N’est-il pas traité par toutes les dynasties avec plus de déférence que ne le furent les Bourbons ? Ce serait braver la fortune, car l’influence de la France dans le monde ne laisse réellement rien à désirer. »

M. Thiers rappelait aussi que nos états militaires étaient insuffisans et qu’en 1814, Napoléon Ier avait reconnu s’être trompé sur les ressources de la France, dont la population n’était pas assez nombreuse pour lui permettre d’accomplir de si vastes desseins.

M. Thiers estimait encore que nos finances, bien qu’en bon état, n’autorisaient pas de pareils risques. Dans son opinion, un emprunt devait être facile avec l’alliance de l’Angleterre, mais difficile avec sa neutralité, et impossible avec son hostilité.

« Sous le premier Empire, disait-il pour conclure, la guerre était l’état normal ; aujourd’hui, c’est la paix. Napoléon III doit suivre l’exemple d’Auguste, qui, succédant à César, mettait sa gloire à être un politique et non un guerrier. Tous les gouvernemens ont péri par l’entêtement dans leurs fautes. Les ennemis et les détracteurs de l’Empereur lui reconnaissent ce grand mérite, de savoir s’arrêter à temps, lorsqu’il est dans une fausse voie. Puisse-t-il ne pas démériter de la confiance du pays et ne pas compromettre ses destinées ! »


XVI. — L’AGITATION EX Allemagne

La fermentation des esprits, loin de se calmer, s’étendait en Allemagne. « Jamais l’Allemagne depuis cinquante ans n’a été aussi irritée, » écrivait de Stuttgart sir Stafford Jerningham. Le consul général d’Angleterre à Leipzig, dans son rapport du 3 mars, dépeignait l’état des esprits dans la Confédération germanique sous des couleurs alarmantes : « Les événemens réveillent en Allemagne l’esprit de 1812 et de 1815. La Chambre bavaroise a décrété, le 23 février, à l’unanimité et par acclamation, la défense de l’exportation des chevaux. On a prononcé les discours les plus violens et pris la France à partie. Les mêmes sentimens se sont manifestés à Hanovre ; la Chambre a sommé le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour repousser toute attaque contre l’Autriche. Toute la presse allemande prend fait et cause