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REVUE DES DEUX MONDES. retrait de sa plainte, n’avait jamais reparu dans la région. Le magistrat, suivant cette piste, n’en arriva pas moins, quarante-huit heures plus tard, à établir que le voleur des 40 000 francs et le voleur des 100 francs ne faisaient qu’un ; que l’auteur du crime était venu de Paris opérer à Besançon entre deux trains ; et qu’après le vol, il s’était fait conduire en voiture à une station de chemin de fer voisine de cette ville et d’où il avait pris la direction de Dijon. Pour arriver à ce résultat, le juge était parti du rapprochement des données suivantes : 1° l’hypothèse de la culpabilité de l’ancien voleur ; 2° la déclaration d’un cocher qui, ayant conduit un voyageur à une station voisine, avait observé une cicatrice sur le pouce droit de son client au moment où celui-ci le payait ; 3° le voleur présumé ayant été condamné à Paris, ainsi que l’indiquait son casier judiciaire consulté sans délai, il était facile d’obtenir du service de l’identité judiciaire sa photographie et son signalement. Le cocher reconnut dans la photographie qui lui fut présentée le voyageur suspect, tandis que le signalement révélait la cicatrice du pouce droit. En six jours, l’instruction fut close. Arrêté plus tard, le voleur confessa son crime ; mais, dans l’intervalle, il avait pris soin d’aller vendre en Angleterre, selon l’usage, les titres volés.

Aujourd’hui, les bicyclettes permettent aux malfaiteurs de se dérober plus facilement encore aux poursuites ; ils trouvent dans la rapidité avec laquelle ils franchissent ainsi de grandes distances une source merveilleuse d’alibis. On a pu voir aussi, par les récits des journaux, combien s’est accru depuis quelques années le nombre des meurtres et des vols commis dans les trains en marche. Comment saisir des hommes qui parcourent de pareilles distances, si on ne les prend sur le fait ?


V

L’exemple de Vacher, qui pratiquait impunément le vol parallèlement à l’assassinat, — car, dit un témoin qui la connu dans un dépôt de mendicité, il était considéré par tous comme voleur et maraudeur, — est la justification éclatante de notre théorie. On a attribué une portée beaucoup trop grande à l’influence qu’avait exercée son livret militaire en faveur de sa longue impunité. Passons rapidement en revue les quatre années de son existence vagabonde et nous verrons que l’impunité lui était assurée moins