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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/482

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de mieux que de le conserver, mais avec un ministère légèrement retouché. Au milieu de toute cette politique ministérielle, les républicains prononçaient contre les généraux des discours indignés. M. Sol y Ortega s’est particulièrement distingué dans son réquisitoire ; mais il a été dépassé au Sénat par le comte de las Almenas dont l’agression, annoncée depuis longtemps, a dépassé les limites connues de la violence et a fini par accaparer toute l’attention. Comme la plupart des maréchaux, des généraux, ou des amiraux maltraités font partie de l’une ou de l’autre des deux Chambres, on peut juger de l’échange de démentis, d’injures, d’outrages et de provocations qui a eu lieu. Le maréchal Martinez Campos a essayé d’y mettre un terme en proposant de nommer une commission parlementaire où seraient représentés tous les partis, — il désirait même y voir figurer le comte de las Almenas et M. Sol y Ortega, — et de la charger de faire une enquête. N’est-ce pas ainsi que ces choses-là finissent toujours ? Le comte de las Almenas a traité cette proposition avec un souverain mépris, mais elle a été votée par 130 voix contre 7. Aurait-elle mis fin au désordre parlementaire ? Rien n’est plus douteux : la prorogation, qui sera bientôt suivie de la dissolution, est pour le moment une mesure plus efficace.

Nous avons dit qu’une commission du Sénat avait été chargée d’étudier et de rapporter un projet approuvant la cession des Philippines. On a pu voir tout de suite, par la discussion et le vote préalables des bureaux, à quel point l’assemblée était divisée. Le gouvernement a eu une majorité d’une voix dans la commission ; encore dit-on qu’elle s’est produite, dans un bureau coupé exactement en deux, par l’attribution du bénéfice d’âge au candidat ministériel. D’après les pointages, les partisans et les adversaires du traité avaient été dans l’ensemble des bureaux en nombre sensiblement égal. Cela était si vrai qu’à l’épreuve du scrutin, 120 voix se sont prononcées pour le traité et 118 contre : la majorité du gouvernement n’était que de 2 voix. Quand un ministère en est là, dans une question aussi grave et avec une responsabilité aussi lourde, il est perdu. M. Sagasta ne s’est fait à cet égard aucune illusion. Il a compris que ses deux voix l’abandonneraient bientôt, et il n’a pas voulu s’exposer au rejet par le Sénat du traité de paix définitif. Il a fait ce qu’il avait à faire : il a remis sa démission à la Reine, tout en restant à ses ordres, si elle faisait appela son dévouement. Mais, comme nous l’avons dit, c’étaient la dissolution et des élections nouvelles, et la Reine a préféré ne pas tenter l’épreuve avec M. Sagasta : elle s’est adressée à M. Silvela.

M. Silvela est, tout le monde le sait, un des hommes les plus