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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/536

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Restent les deux religions d’Isis et de Mithra, qui se maintiennent jusqu’au Ve siècle. Mais la première, tout amollie de tendresse féminine et de maternelle douceur, convient mal pour lutter contre les progrès menaçans du christianisme. Elle cède le pas au culte de Mithra, autrement viril et sévère, religion de combat qui finit par absorber et résumer le paganisme du dernier âge. Il balance un moment la fortune du christianisme. « Le monde, prétend Renan, eût été mithriaste, si le christianisme avait été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle. »

Cet antagonisme explique l’intérêt d’une étude du mithriacisme. Pourtant elle a peu tenté les érudits ; leur curiosité est allée de préférence aux religions qui ont su exprimer l’âme d’un peuple, d’une race, d’une civilisation. Le mithriacisme est au contraire une religion composite, constituée des élémens les plus divers, qui s’est adaptée aux milieux les plus différens. Ajoutons que cette étude est des plus malaisées. Aucun des ouvrages spéciaux qui traitaient du mithriacisme, ceux d’Eubule et de Pallas, n’est venu jusqu’à nous. Nous n’en connaissons que des fragmens épars dans les traités de Porphyre. Les monumens mithriaques eux-mêmes ont été fort maltraités, mais leurs débris sont précieux ; ils nous permettent, avec les inscriptions relevées dans toute l’Europe, d’interpréter les symboles familiers aux adeptes de Mithra. Parmi les modernes, Lajard a compromis par les hypothèses les plus hasardeuses le labeur de toute une vie consacrée à cette étude. A part quelques parties de son atlas, à peine reste-t-il aujourd’hui de son œuvre plus que de l’ouvrage jadis célèbre de Dupuis : l’Origine de toits les cultes, qui eut l’idée bizarre de faire du christianisme une branche du mithriacisme, quelque chose comme une hérésie mithriaque. Récemment, un professeur de l’Université de Gand, M. Franz Cumont, s’est proposé de reprendre la tentative de Lajard. Il a réuni un grand nombre de textes relatifs à Mithra, et publié la collection la plus complète des monumens de son culte. Son commentaire, dont le premier volume vient de paraître, éclairera assurément beaucoup des points restés encore obscurs de la doctrine secrète du mithriacisme[1].

  1. II nous faut encore signaler, outre l’opuscule de Windischmann : Mithra, les études du P. Allart sur le même sujet, et surtout l’excellent chapitre de M. Jean Réville sur le mithriacisme dans la Religion sous les Sévères.