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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/543

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séjour, et c’est là la principale lacune de son histoire. Il ne semble pas que la doctrine du dieu persan se soit altérée au contact des divinités phrygiennes. Mais déjà se manifeste en lui cette facilité singulière à s’adapter aux divers milieux où il se transporte et à s’apparenter aux dieux étrangers. C’est ainsi qu’il emprunte à Attis le costume sous lequel il figurera désormais sur les monumens, les braies flottantes serrées aux chevilles, la blouse et le bonnet phrygien. Il se confond avec Sabazius, le dieu solaire, « berger du troupeau des étoiles, » qui déjà, sous le patronage de Bacchus, a pénétré dans les mystères d’Eleusis. Son nom gravé se lit sur le taureau mithriaque du Capitole ; et, dans la catacombe de Prétextât, un prêtre de Mithra et un pontife de Sabazius dorment fraternellement unis dans la tombe. Pareille alliance, attestée par les monumens du IVe siècle, se fit avec le dieu Men ou Lunus, qui ressemble de si près au Sin chaldéen, le dieu mâle de la lune : la victime immolée à tous deux est le taureau. Il est possible aussi que, dès lors, le culte de Mithra ait emprunté à celui de Cybèle l’usage du taurobole et du criobole ; bien que l’immolation du taureau et du bélier, qui tous deux symbolisent à deux périodes différentes l’année zodiacale en Chaldée, fût une coutume générale sur les bords de l’Euphrate. Le pin, emblème d’immortalité, qui garde en hiver sa verdure, et qu’on promenait pendant les lamentations d’Attis, devient un des accessoires figurés du sacrifice mithriaque.

De Phrygie, le culte de Mithra gagna les côtes de la Méditerranée. Il était le dieu principal des pirates que Pompée poursuivit dans leurs retraites de Cilicie. Les légions le rapportèrent de Tarse, la colonie assyrienne fondée par Sennachérib, et par elles, il fit son entrée dans Rome.

Il y végéta d’abord obscurément. Le premier monument qui le signale est une inscription de Naples, du temps de Tibère. Néron lui fit accueil et demanda à ses mystères l’expiation de son parricide. Il se lie d’amitié avec les souverains parthes et reçoit leurs ambassadeurs, qui célèbrent à Rome ouvertement leur culte. Ce culte est florissant sous Trajan. Hadrien l’interdit un moment, à cause de la réputation de cruauté qu’avaient ses cérémonies. Commode se fait initier et commet un homicide au cours des épreuves. Mithra profite de la faveur extraordinaire qu’Elagabal, le prêtre syrien couronné, donne au culte du Baal d’Émèse. Mais c’est surtout d’Aurélien que datent l’extension et