Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/569

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut que bals et plaisirs à la Cour. Le Roi en donna à Versailles et à Marly : mascarades ingénieuses, entrées, espèces de fêtes qui amusèrent fort le Roi sous le prétexte de Mme la duchesse de Bourgogne. Monseigneur donna aussi des bals, et les principales personnes se piquèrent d’en donner à Mme la duchesse de Bourgogne[1]. »

Ce n’est cependant pas dans les Mémoires de Saint-Simon, qu’il faut chercher la description de ces bals. Ce n’est même pas dans ceux de Dangeau (qui cependant n’en omet pas un), c’est dans les numéros du Mercure de France, où ils remplissent d’interminables pages. Le Mercure de France ressemblait beaucoup à certains journaux d’aujourd’hui, en ce sens qu’il croyait avec raison intéresser ses lecteurs en les entretenant de mondanités, et, comme les mascarades de Versailles prêtaient davantage aux développemens pittoresques que nos bals officiels, la description des costumes y était donnée avec plus de détails encore. Les travestissemens de la duchesse de Bourgogne tenaient naturellement la plus grande place dans ces descriptions. Nous la voyons, à travers les récits du Mercure, tantôt représentant la déesse Flore sous un habit riche et galant et suivie d’un cortège de nymphes, tantôt en laitière, tantôt en vieille ; ou bien, au contraire, magnifiquement vêtue tour à tour en magicienne, en sultane, en Espagnole ; ou bien encore, chez Mme de Maintenon, dansant une entrée à la tête d’une noce de village, puis d’un quadrille de cartes où elle représentait la reine de trèfle. D’abord un peu gauche et inexpérimentée, elle ne tardait pas à se faire admirer par son élégance à la danse, qui était alors un art véritable, et où elle n’était surpassée que par la princesse de Conti. « Madame la duchesse de Bourgogne fut fort applaudie, » est une phrase qui revient souvent dans le Mercure[2].

Les grandes fêtes données à Versailles ou à Marly, qui se succédaient presque de jour en jour, ne suffisaient point cependant à la Princesse. On savait que lui offrir un bal était le moyen assuré de lui plaire. Aussi quiconque était en situation de le faire n’avait garde d’y manquer. Bien que la duchesse du Maine fût grosse et ne pût bouger de son lit, elle ne donna pas moins de vingt bals en l’honneur de la duchesse de Bourgogne. On dansait dans sa chambre à coucher, et, comme cette chambre n’était pas grande,

  1. Saint-Simon, édition Boislisle, t. VII, p. 52.
  2. Mercure de France, février 1700, p. 155 et passim.