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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/579

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lettre, longtemps célèbre, qui commence ainsi : « Voilà donc Athalie encore tombée. Le malheur poursuit tout ce que je protège et ce que j’aime. Mme la duchesse de Bourgogne m’a dit qu’elle ne réussiroit pas, que c’étoit une pièce fort froide, que Racine s’en estoit repenti, que j’étois la seule qui l’estimois, etc. »

Depuis que nous avons le texte exact de la lettre rétabli par M. Geffroy[1], nous savons ce qu’il faut en rabattre et comment les choses se sont passées. La duchesse de Bourgogne devait jouer Salomith, la sœur de Zacharie, qui tient dans la pièce un rôle assez effacé. Peut-être se méfiait-on un peu de son talent d’actrice. Ce rôle ne lui plaisait point. Un jour, elle vint trouver Mme de Maintenon, et lui dit « qu’elle ne croyoit point qu’Athalie réussît, que c’est une pièce fort froide. » Mme de Maintenon pénétra facilement les motifs de cette mauvaise humeur. Le rôle qui lui avait été donné ne plaisait point à la duchesse de Bourgogne. Elle voulait jouer Josabeth, qui avait été attribué à la comtesse d’Ayen. Mme de Maintenon lui proposa aussitôt de changer de rôle, et elle ajoute dans une lettre au comte d’Ayen : « Après avoir reçu ses honnêtetés là-dessus, je lui ai dit que ce n’étoit pas à elle à se contraindre dans une chose qui ne se fait que pour son plaisir. Elle est ravie, et trouve Athalie une fort belle pièce. » Athalie fut jouée en effet le 17 février 1702, avec la distribution suivante : la duchesse de Bourgogne, Josabeth ; la présidente de Chailly (une ancienne élève de Saint-Cyr qui avait tenu le rôle autrefois, et qu’on avait fait venir tout exprès), Athalie ; la comtesse d’Ayen, Salomith ; le duc d’Orléans, Abner ; le comte d’Ayen, Joad[2] ; le petit comte de Lesparre, second fils du duc de Guiche, Joas. S’il fallait en croire le Mercure de France, la représentation aurait été parfaite en tous points, u Ceux qui les commissent, dit-il en parlant du comte et de la comtesse d’Ayen, sont persuadés qu’ils ont

  1. Mme de Maintenon d’après sa correspondance authentique, par M. A. Geffroy, t. II, p. 1.
  2. A certaines représentations le rôle de Joad parait avoir encore été tenu par Baron