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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/630

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et des modistes. Soldats annamites joliment équipés, marins à l’air bon enfant, dames élégantes en malabar ou en pousse-pousse ; puis, les statues de Gambetta, de l’amiral Rigault de Genouilly, du commandant Garnier, un Hôtel des postes tout à fait monumental, une cathédrale de vastes proportions, le palais du gouverneur, de façade un peu théâtrale, rappellent qu’on est en terre française.

Mais, si Saïgon est très européen, la ville de Cholen, à quelques kilomètres de là, est bien Extrême-Orient. C’est un centre important, d’aspect tout chinois, où nous avons eu le plaisir de visiter en détail l’habitation fastueuse du Pfoû ou maire de l’endroit. Ce gentleman nous reçut fort gracieusement en smoking blanc, la rosette de la Légion d’honneur à la boutonnière, tandis que sa femme et ses filles, en costume annamite, nous faisaient en très bon français les honneurs de leur habitation. On nous montra des meubles en incrustations de nacre, la chapelle domestique où se pratique le culte des ancêtres, les vasques de porcelaine où nagent des poissons aux formes bizarres, les jardinets ornés d’arbres séculaires maintenus à des proportions minuscules. Nous fûmes aimablement invités à assister à une représentation du théâtre chinois qui est la propriété du Pfoû. Et, pendant que sa charmante fîlle voulait bien m’expliquer les péripéties du drame tapageur qui se déroulait sur la scène, j’admirais sa parfaite distinction sous le costume très simple des femmes annamites : une longue robe noire tombant des épaules jusqu’aux chevilles, rehaussée seulement par un joli collier d’or qui mettait en valeur son cou délicat. Je lui demandai où elle avait appris à si bien parler le français ; elle me dit qu’elle avait été élevée chez les sœurs ; qu’elle y retournait toujours avec plaisir pour assister aux exercices pieux du culte catholique, mais qu’à la maison elle continuait — naturellement — à pratiquer la religion de sa famille.

Nous voici maintenant dans la vraie Chine, ou plutôt dans la Chine de l’avenir, car Hong-Kong n’est plus aux Chinois. C’est un beau rocher, que la magnifique Grande-Bretagne a transformé en un paradis de verdure, de maisons superbes, et de terrasses fleuries. Des routes sillonnent partout le flanc de la montagne. Au bord de la mer, s’étend une esplanade, d’où s’élève, majestueuse, une statue en bronze de l’Impératrice des Indes ; derrière, se groupent les casernes, et l’on ne peut s’empêcher d’admirer la bonne tenue de ces soldats anglais, bien pris dans leurs uniformes de tissus