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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/642

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avec un certain décorum : nous étions en uniforme ; les Excellences chinoises et leurs secrétaires avaient revêtu de belles robes jaunes ; une collation nous fut offerte sur la table même où le traité venait d’être conclu. C’étaient des graines de pastèque, de petits pains de maïs, des friandises à base pharmaceutique qui n’avaient rien de bien tentant, mais si le vin de riz chaud tenait une place honorable dans les boissons offertes, le cosmopolite vin de Champagne ne fut pas oublié.

J’avais été trop occupé à Pékin pour songer à quitter la ville et faire l’excursion traditionnelle de la Grande Muraille ; en revanche, je consacrais bien volontiers mes loisirs, quand le temps le permettait, à parcourir la capitale du Céleste Empire. Ce n’était pas toujours chose agréable : tantôt la poussière rendait toute promenade un supplice, tantôt des pluies torrentielles changeaient en cloaques dangereux les rues et les places. La locomotion ne s’opère facilement qu’à cheval, car la charrette qui sert généralement de moyen de transport est franchement odieuse. Ce sont de lourdes machines à deux roues, non suspendues, attelées d’une mule. Les Chinois s’y tiennent accroupis, les Européens ont imaginé d’y établir une caisse inférieure où l’on peut loger ses jambes et ainsi se trouver assis. Le conducteur s’installe devant vous, en travers sur l’un des brancards ; à chaque instant, il saute à terre pour éviter une ornière trop profonde ou soulager sa bête. Les chocs sont tels, dans ces chariots couverts, qu’en quelques jours, j’eus complètement échancré les bords d’un chapeau de paille dure, qui frappaient à droite, puis à gauche, contre les montans de bois de cet instrument de supplice.

La chaise à porteurs est beaucoup moins secouante ; les dames s’en servent généralement, et les hommes seulement dans les visites officielles. Un spectacle original, le soir, après un dîner, est de voir s’aligner, dans le jardin, plusieurs chaises entourées de lanternes chinoises au chiffre de chaque légation, puis les palanquins s’en aller dans la nuit, précédés d’un homme à cheval, porteur, lui aussi, d’une énorme lanterne en papier. Ces promenades dans Pékin sont pleines d’intérêt, beaucoup plus par le spectacle de la rue que par la beauté des monumens, délabrés pour la plupart et d’un accès difficile : des temples, des tours de pagodes, avec leurs toits retroussés et superposés, puis toujours des murs ! Car, outre ceux de la ville chinoise et de la ville tatare, il y a, dans l’intérieur, la ville impériale avec plusieurs enceintes