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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/651

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Chateaubriand, ont été l’objet de ma prédilection ; saint Bonaventure obtint du ciel la permission de continuer les siens après sa mort ; je n’espère pas une telle faveur, mais je désirerais ressusciter à l’heure des fantômes pour corriger au moins les épreuves. » Le ciel a bien fait les choses : il n’a pas ressuscité Chateaubriand ; mais il lui a donné comme éditeur M. Edmond Biré.


I

Nul, en effet, n’était mieux qualifié pour éditer les Mémoires d’Outre-Tombe. Il y a peut-être des historiens plus impartiaux, il n’y en a pas de mieux informé que l’auteur de la Légende des Girondins et des études sur Victor Hugo et sur Honoré de Balzac ; personne mieux que lui ne connaît dans ses « dessous » l’histoire politique et littéraire de la fin du dernier siècle et de celui-ci : livres rares, éditions introuvables, Mémoires, Correspondances, articles de revues ou de vieux journaux, il a tout lu, tout exploré, tout noté. Je me l’imagine, — M. Biré habite la province, — vivant dans une vaste « librairie, » surchargée de livres de toute espèce et de toute dimension, encombrée de cartons, de catalogues et de répertoires, mais le tout si ingénieusement et si méthodiquement classé qu’on y peut circuler à l’aise et s’y reconnaître presque facilement. On rêverait une Bibliographie du XIXe siècle composée en collaboration par M. Edmond Biré et par M. de Spœlberch de Lovenjoul.

Admirablement instruit de tout ce qui concerne la vie et l’œuvre des principaux auteurs de notre siècle, M. Biré a surtout consacré les multiples ressources de son érudition à deux catégories d’écrivains : ceux qu’il aime et ceux qu’il n’aime pas. Heureusement pour lui, Chateaubriand est parmi les premiers. Ceux qui ont lu les études séparées que M. Biré a publiées sur l’auteur des Martyrs, notamment tel article du Correspondant sur les Mémoires d’Outre-Tombe, ont dû bien souvent souhaiter que ces gerbes éparses fussent réunies en un seul faisceau, et surtout qu’un travail d’ensemble reliât entre elles tant d’observations judicieuses et d’instructives recherches. M. Biré vient de réaliser ce dernier vœu, et de telle sorte qu’on ne pourra plus parler de Chateaubriand sans avoir recours à lui. Il n’y a plus aujourd’hui qu’une seule