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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/719

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matière de liberté fluviale et, plus généralement, de liberté commerciale : mais, dans le cas présent, il serait difficile de dire ce que vaudra cette garantie. Il y a ici, dans l’arrangement, un point qui laisse quelque chose à désirer. Peut-être notre gouvernement n’a-t-il pas pu obtenir davantage, et peut-être aussi ne l’a-t-il pas cherché. Il a paru dominé, en effet, par la pensée, — et nous sommes loin de l’en blâmer, — que les questions égyptiennes devaient rester tout à fait en dehors de la convention nouvelle. Elles y sont restées. Il y avait là, pour nous, un intérêt supérieur à celui que pouvaient présenter nos marchandises, d’ailleurs hypothétiques, qui prendraient la voie du Nil pour se répandre dans la Basse-Egypte, ou en Europe. Ces dernières, en tout cas, ne pourraient être appelées à payer que des droits de transit. L’Egypte n’est donc en cause ni de près ni de loin dans l’arrangement du 21 mars, et peut-être importe-t-il de le dire, parce que certains journaux étrangers ont affecté de s’y tromper. La situation de l’Egypte reste ce qu’elle est, et nous n’avons pris aucun engagement de nature à nous causer la moindre gêne le jour où il conviendrait à l’Europe de s’en occuper.

Dans cette préoccupation, notre gouvernement a usé d’un détour qui ne manque pas d’ingéniosité. Nous avons eu plusieurs fois l’occasion, au cours de cette chronique, de parler de la convention du Niger signée le 14 juin dernier. Cette convention, qui est bonne et équitable en soi, bien qu’elle ait été attaquée par quelques-uns de nos coloniaux les plus ardens, ne pouvait devenir définitive qu’après avoir été approuvée par le parlement : or, elle ne lui a même pas été soumise. Les ratifications devaient en être échangées au bout de six mois ; il a fallu prolonger ce délai de six autres mois. On ne comprenait pas très bien cet ajournement : il s’explique mieux aujourd’hui. M. Delcassé, dans l’espoir de faire avec Londres un second arrangement, celui qu’il vient effectivement de conclure, désirait lui donner le caractère d’une simple annexe au premier : il a dû, en conséquence, réserver celui-ci. L’arrangement actuel porte le titre modeste de Déclaration, et il débute ainsi : « L’article IV de la convention du 14 juin 1898 est complété par les dispositions suivantes qui seront considérées comme en faisant partie intégrante. » Donc, la Déclaration du 21 mars 1899 n’est que le complément de la convention du 18 juin 1898. Il n’était pas sans intérêt de bien choisir le point de départ de nos opérations diplomatiques : ce n’est pas sur le Nil que nous l’avons pris, mais sur le Niger. Le Nil, l’Egypte, il n’en est question, ni de près ni de loin, dans la Déclaration du 21 mars. Il suffit, pour s’en convaincre, d’en relire le texte : peut-être aussi n’est-il pas inutile de l’expliquer.