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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/724

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Nous aussi, nous avions fait des projets et des rêves ; nous avions même accompli de grands efforts pour les réaliser. Nous ne sommes pas restés dans le domaine de l’imagination, nous sommes entrés dans celui de l’action. Nous avons dû reconnaître que, sur certains points, nous n’avions pas réussi, ce qui est toujours un aveu désagréable à faire, à soi comme aux autres. Nous l’avons fait cependant, parce qu’il faut toujours finir par-là, et parce qu’il n’y avait d’ailleurs rien que d’avouable dans nos entreprises. Si l’exécution n’a pas abouti partout à un succès, elle nous a fait néanmoins assez d’honneur pour que nos regrets soient tempérés par une juste fierté.

Quoi qu’il en soit, le 21 mars 1899 restera dans notre histoire coloniale une date importante. L’arrangement de ce jour a clos pour nous, en Afrique, l’ère héroïque des explorations et des expéditions lancées un peu à l’aventure, dont les unes ont réussi et les autres échoué, et qui avaient pour mot d’ordre uniforme d’aller toujours de l’avant. La diplomatie devait venir ensuite pour constater les résultats acquis et pour les mettre en harmonie avec ceux que d’autres que nous avaient pu obtenir de leur côté. Nous avons établi les limites de notre empire africain par une série d’arrangemens successifs avec l’État indépendant du Congo, avec l’Allemagne, avec l’Angleterre. Avec cette dernière, nous avons dû nous y reprendre à plusieurs fois. La convention du Niger, de juin dernier, était évidemment incomplète ; elle laissait ouverte et indéterminée toute une partie de nos frontières à l’est du lac Tchad. Maintenant l’œuvre est terminée. De quelque côté que nous nous tournions, nous sommes éclairés sur l’étendue de notre domaine et fixés sur ses bornes. Nous savons où il commence et où il finit. C’est un grand avantage sans doute. Nous n’avons pourtant accompli que la première partie de notre tâche, et peut-être la plus facile, parce qu’elle est la plus conforme à notre caractère national : il nous reste à tirer parti des immenses territoires que personne ne nous conteste plus. Nous avons cherché jusqu’ici à en sortir pour les étendre encore ; nous n’en avons plus le droit désormais. Tenons-nous chez nous, puisque nous avons un chez nous. Après tant d’aventures, le moment est venu de pratiquer la philosophie du héros de Voltaire et de cultiver notre jardin. Il est assez grand pour suffire longtemps à notre activité.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.