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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/773

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avait obtenu une bourse. A Rennes, il eut plusieurs camarades devenus célèbres : Dubois, avec lequel il fonda le Globe, en 1824, et qui est devenu plus tard directeur de l’Ecole normale ; Duhamel, géomètre éminent, membre de l’Académie des sciences ; Roulin, naturaliste distingué, plus tard bibliothécaire de l’Institut et membre libre de l’Académie des sciences ; enfin le docteur Bertrand, connu par ses beaux travaux sur l’Extase, et père des deux Bertrand (Joseph et Alexandre), l’un qui illustre encore aujourd’hui l’Académie des sciences, dont il est le secrétaire perpétuel, et l’autre l’un des créateurs de l’archéologie celtique. Après avoir fini ses études à Rennes, Pierre Leroux, né de parens pauvres, fut obligé de gagner sa vie comme ouvrier imprimeur. Lui-même a raconté en quelques lignes comment il apprit son métier : « Mon maître d’apprentissage était mon cousin Herhan, qui avait alors une pauvre petite imprimerie dans le passage du Caire. Herhan était, à quelques égards, un homme de génie. La plus belle découverte qui ait été faite dans notre art lui appartient. Mais, comme beaucoup d’inventeurs, il mourut dans la pauvreté. » Il ajoute : « Quel triste et monotone métier que celui de compositeur d’imprimerie ! Les gens du monde s’imaginent que l’imprimeur lit les livres, ou du moins les pages qu’il compose. Il n’en est rien : il ne lit que des lignes ou plutôt des lettres ; la nécessité d’aller vite l’empêche de suivre les pensées. » Dans cet art, Pierre Leroux se vantait d’avoir fait lui-même une grande découverte qui aurait dû faire sa fortune ; mais l’absence de capital lui interdit toujours de l’utiliser. Il l’exposa dans une brochure imprimée en 1822, chez Didot, et intitulée : Nouveau procédé typographique qui réunit les avantages de l’imprimerie mobile et du stéréotypage. Cette brochure est signée P.-Arnaud Leroux. Arnaud était le nom de sa mère, qu’il venait de perdre en 1821 ; et c’était en raison de ce souvenir qu’il avait ajouté ce nom. Notre incompétence en typographie nous empêche d’expliquer quel était le procédé inventé par Pierre Leroux. Disons seulement que son ambition était très vaste. Il voulait réaliser cette prédiction de Raynal : « Peut-être, un jour, y aura-t-il autant d’imprimeries que de bibliothèques ; » et celui de Robert Estienne : « Le temps viendra où cet art changera tout ; au lieu d’un secrétaire, vous prendrez un garçon imprimeur ; alors la liberté des presses existera comme vous avez la liberté des écritures. » Pierre Leroux attribue à cette première idée l’origine