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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/778

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étudié l’Orient, le moyen âge, on n’a plus parlé que par figures. C’est surtout Victor Hugo qui est le grand poète symbolique ; il est incapable d’abstraction. Dans ce genre, Pierre Leroux cite comme un chef-d’œuvre le poème de Mazeppa, qu’il compare ingénieusement avec l’Ode au comte du Luc, de Jean-Baptiste Rousseau. La différence des deux styles est visible. Pierre Leroux pense que c’est de là qu’est venue l’accusation de poète matérialiste dirigée contre Victor Hugo ; mais il ne semble pas admettre l’inculpation. Nous sommes aujourd’hui tellement habitués à ce procédé que nous n’y faisons plus attention. Pierre Leroux nous paraît avoir vu avec sagacité l’origine et le développement de cette forme littéraire, qu’il appelle « un trope nouveau. »

L’article sur les Pays-Bas et le gouvernement de la Hollande, suggéré en partie par des amis belges de l’auteur, mettait en lumière un fait nouveau, alors peu connu et peu compris, et qui donne la clef de l’histoire de la Belgique contemporaine, à savoir l’union, à cette époque, du parti catholique et du parti libéral, à l’encontre de la France où les deux partis étaient en guerre l’un avec l’autre, guerre qui n’a pas encore cessé. Le parti libéral belge, d’abord à l’imitation des libéraux de France, avait applaudi aux mesures du gouvernement hollandais contre les jésuites ; mais il avait bientôt compris que ces mesures, en apparence dirigées exclusivement contre la Compagnie de Jésus, l’étaient en réalité contre la liberté. De là le rapprochement des deux partis, dont l’union fit plus tard la révolution belge, et qui, même séparés, n’ont jamais cessé de s’entendre sur le maintien de la nationalité belge. De là une solution particulière et nouvelle du problème religieux, qui a inspiré, par un élan d’émulation, ce que l’on a appelé le catholicisme libéral. De là la formule célèbre : « La liberté comme en Belgique. » de là vient encore qu’en France, une portion du parti libéral s’est toujours opposée aux mesures contre le cléricalisme. Pierre Leroux est un des premiers qui aient deviné et compris l’attitude différente des libéraux dans ces deux pays ; le Globe avait pris parti pour cette nouvelle forme des idées libérales.

L’article suivant de Pierre Leroux sur la Politique extérieure de l’Europe et le Système de Napoléon est un travail de haute philosophie de l’histoire. L’auteur y explique ce qu’il appelle le système de Napoléon. On n’a vu dans Napoléon qu’un tyran qui fascine ou un conquérant qui parade. On comprendra mieux Napoléon en le comparant à Alexandre. Napoléon, comme