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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/796

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— Je répondis : chez Ducros.

— Oh ! votre affaire est bonne, si vous allez là, me dit une voix sortant du canot.

La marée étant basse, nous pûmes débarquer dans le port, et nous fûmes obligés de monter une échelle de cinquante pieds de haut appliquée contre la jetée, ce qui me fâcha beaucoup. Arrivée en haut, un officier s’approcha de moi et me dit, avec beaucoup de politesse et même de respect, que Mme Maingaud était venue sur la jetée avec son mari, croyant que Mme de Guiche pouvait être dans le bâtiment d’où je sortais, mais que, n’ayant pu savoir nos noms, ils étaient repartis. Je ne répondis rien et on nous conduisit à la municipalité, escortés par des soldats qui marchaient en avant et en arrière de nous. Le hasard fît qu’en arrivant, je me trouvai assise sur la banquette en face du commissaire, qui me parut terrible. Quand mon tour arriva, le commissaire me dit :

— Votre nom ?

— Mme de Guiche.

— Ah ! madame, je vous attends depuis longtemps.

Puis, se levant en pied, il me demanda la permission de finir ce qu’il écrivait, et, peu de momens après : « Il faut que votre femme de chambre dise son nom, ainsi que votre domestique, puis ensuite vous me permettrez de vous conduire à votre auberge, car vous devez être bien fatiguée. »

On ne me fît aucune des questions qui avaient été faites aux autres dames, et M. Maingaud me conduisit à mon auberge en me disant qu’il y demeurait aussi et me priant de permettre à sa femme de me recevoir chez elle. J’arrivai enfin, fort étonnée de me trouver dans les rues donnant le bras à M. Maingaud, et je trouvai une jeune femme assez jolie, un peu grasse et fraîche, qui me reçut à merveille et me pria de dîner avec elle et son mari. J’acceptai, quoique étant fâchée de ne pouvoir me reposer chez moi. Mais, ne perdant pas mon objet de vue, j’eus l’espoir que cette extraordinaire réception pourrait finir par quelque chose d’heureux pour le but que je m’étais proposé dans mon voyage.

A la fin du dîner, où il ne fut d’abord question que de choses ordinaires, Maingaud me dit :

— Que pense-t-on de moi dans le pays d’où vous venez ?

— De qui voulez-vous parler ? lui dis-je.