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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/805

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même en bonne santé, il y a très peu de temps. J’en ai su des nouvelles par M. de Gallo, qui venait de la quitter. Est-elle heureuse ? » Puis elle continua : « Madame de Guiche, voulez-vous venir vous promener dans mon jardin ? Nous passerons devant les fenêtres de Bonaparte, qui se montrera et sera charmé de vous voir. » Je me levai, et comme Mme de Champcenet n’aime pas à marcher, elle resta avec Mlle Paulin, et moi je m’en allai avec Mme Bonaparte, qui se mit à courir chez son mari ; mais il était tellement occupé avec l’abbé Bernier (que nous avons vu autrefois chez les chouans) qu’il ne put se mettre à la fenêtre. Ainsi nous allâmes dans un petit bois et elle me dit :

MADAME BONAPARTE. — Faites donc savoir aux Princes qu’ils doivent avoir plus de confiance en Bonaparte, et qu’ils n’envoient plus ces agens qui gâtent tout. Mon mari m’aime, et cependant je n’ai pas toute sa confiance, car il ne la donne entièrement à personne ; il ne perd pas une occasion de me tranquilliser et de me prouver qu’il désire remettre tout dans l’ordre ordinaire. La seule chose qui pourrait l’arrêter (je vais vous parler bien franchement), c’est que l’on ne tienne pas les promesses que l’on ferait ; par exemple, si Bonaparte remet le Roi sur le trône, il désire qu’on ne l’éloigne pas, et il faut convenir qu’il y a bien des moyens de le conserver près de la personne du Roi, et même avec des pouvoirs, par exemple ceux de connétable.

MADAME DE GUICHE. — Si Bonaparte le veut, il est certain qu’il peut jouer un rôle superbe. Je crois assez connaître les Princes pour assurer qu’ils ne chercheront pas à l’éloigner, lorsqu’il aura montré très clairement sa façon de penser : et quant aux dignités qu’il peut désirer, c’est d’après moi que je parle en ce moment, mais j’avouerai que je ne comprendrais pas qu’il soit possible de ne pas lui accorder ce qu’il demanderait dans une semblable circonstance, et sûrement le vœu des Français se trouverait d’accord avec les volontés du Roi.

MADAME BONAPARTE. — Bonaparte craint beaucoup les conseils des Princes. Depuis quelque temps, il a plus de confiance dans ceux du Roi. Je ne vous cacherai pas qu’il n’en est pas de même de ceux de M. le comte d’Artois. On a cherché à persuader Bonaparte que M. le comte d’Artois était à la tête de toutes les conspirations qui ont eu lieu, mais je puis vous assurer qu’il ne l’a pas cru.

MADAME DE GUICHE. — Il a raison : cela est indigne de M. le