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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/808

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Comme Mme Bonaparte finissait ces mots, nous nous trouvâmes près de sa maison ; elle me présenta sa fille et me proposa de voir son appartement, en me disant : « Ce sera assez curieux pour vous qui êtes si liée avec les Princes, de voir la chambre de Bonaparte et son lit. Le voilà, me dit-elle. Nous y sommes toujours tous les deux. Malade ou non malade, il ne veut jamais découcher. Vous jugez que cela me donne toujours le moyen d’avoir quelques momens de confiance. » Tous ses appartemens sont petits et simples, meublés à la grecque, ce qui est assez élégant. Mme Bonaparte me reconduisit ensuite jusqu’à son antichambre, et, en me serrant la main, elle me pria de ne rien oublier de tout ce qu’elle m’avait dit et surtout de chercher à gagner l’armée des parvenus.

Cette conversation avec Mme Bonaparte eut lieu le matin, 30 juin ; le soir, M. de Tingry me fit demander de me voir un moment ; je le reçus ; il me dit que M. Fouché avait été enchanté de ma conversation, qu’il serait venu me voir, s’il allait dans le monde, qu’il désirerait causer encore une fois avec moi, et que le moyen s’en offrait tout naturellement, puisque, ayant oublié de demander des passeports pour mes gens, je serais obligée d’aller les lui demander. En conséquence, je déterminai que j’irais le lendemain chez Fouché. M. de Tingry continua encore quelque temps à me parler, sans que j’y fisse beaucoup d’attention. Ce que j’y ai remarqué de plus saillant est la proposition de faire quitter l’Angleterre à M. le comte d’Artois, pour aller en Espagne, en passant par la France, comme s’il était possible de penser que M. le comte d’Artois, ayant pu mettre une fois le pied en France, la quittât pour aller ailleurs. Lorsque M. de Tingry eut fini sa longue conversation, je le remerciai beaucoup d’offres qu’il m’avait faites et qu’il serait beaucoup trop long de répéter. Le lendemain 1er juillet, j’allai encore à la police, comme je l’avais projeté la veille ; je me fis annoncer comme la première fois (il est à remarquer que j’étais exacte au rendez-vous que Fouché m’avait fait donner par M. de Tingry). Au lieu de me recevoir, il m’écrit un mot pour me dire qu’il a tant d’affaires qu’il lui est impossible de me recevoir, mais qu’en montrant au bureau central le papier qu’il m’envoyait, l’on me donnerait tout ce qui me serait nécessaire pour mes gens. Je m’en allai donc à ce bureau central, lieu où je savais que l’on arrêtait souvent ceux qui y vont ou qu’on y envoie. J’y trouvai les nommés Léger et Chrétien, tous les deux fort