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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/818

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le bois gratis. Mais, dans les bassins de l’Amazone et de l’Afrique centrale, on fera chèrement à travers le marécage une route qui, trois mois plus tard, grâce à la végétation invraisemblable de ces climats, sera couverte d’arbustes de plusieurs mètres d’élévation.


II

La végétation, au contraire, est très lente dans les régions forestières qui approvisionnent présentement le monde : il faut de 150 à 200 ans pour obtenir, sur le sol Scandinave, des pins de 19 mètres de haut et de 1m, 50 de circonférence, qui arrivent aux mêmes dimensions dans les Landes en quatre fois moins de temps. La production est donc seulement le quart de la nôtre, à superficie égale, dans ces pays du Nord dont les réserves anciennes ne dureront pas toujours ; de sorte que les esprits inquiets pourraient appliquer à la totalité du globe ce mot d’un de nos hommes d’État du XVIIe siècle, disant que « la France périrait faute de bois ! »

Une revue américaine affirme que, depuis 1850, la consommation du bois, dans le monde entier, a augmenté de moitié. Si des concurrences nouvelles lui sont faites, — par la houille dans les cheminées, dans les planchers ou les navires par le fer, — il est aujourd’hui affecté à des usages inconnus il y a un demi-siècle. Le télégraphe lui demande ses poteaux et les chemins de fer leurs traverses, dont nos réseaux français absorbent quatre millions par an ; les rues des grandes villes lui empruntent de plus en plus leur pavé. Les premières expériences en ce genre, faites à Londres il y a trente ans, avaient donné de piètres résultats, grâce aux fondemens défectueux, à l’emploi d’essences non appropriées et aux mauvaises dimensions des blocs, qui se déplaçaient, s’usaient irrégulièrement et coûtaient fort cher à entretenir. Pendant des années, le succès se fit attendre, jusqu’à ce qu’on eût adopté le système actuel, consistant à faire reposer les pavés sur une couche de 15 centimètres de béton. Maintenant la fabrication de ces matériaux est devenue toute une industrie, employant un outillage considérable ; une seule maison débite de 20 à 30 millions de blocs par an. Il est singulier que la durée de ce pavage, en bois créosotes ou non, — les deux systèmes ont leurs partisans, — soit d’autant plus longue que la voie est plus fréquentée, le passage des voitures empêchant la pourriture de prendre naissance.