Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/826

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

7 000 calories au lieu de 2 500, — tandis qu’il se vend presque le quadruple de leur prix, — cette marchandise onéreuse n’avait d’autre mérite que la commodité de son emploi à petites doses ; le gaz, à ce point de vue, lui est incontestablement supérieur. Non qu’il soit meilleur marché ; au contraire : un mètre cube de gaz et un kilo de charbon de bois, chauffant à peu près autant l’un que l’autre, coûtent, l’un 0 fr. 30, l’autre 0 fr. 16.

Mais la flamme d’un bec obéit bien plus docilement que la braise d’un fourneau au consommateur économe. Elle s’enfle, s’apaise et se détaille, « au doigt et à l’œil » de la ménagère. Allumé en une seconde, éteint de même, ce précieux hydrogène convient à des besoins sommaires et hâtifs. Pour un usage prolongé, ce serait le moins recommandable des combustibles. La cuisson du plus modeste pot-au-feu, exigeant quatre heures d’un feu doux et soutenu, correspond à une dépense de 31 centimes, — 1 040 litres, — qui serait beaucoup plus faible avec la houille.

À New-York, où le gaz coûte juste moitié de ce qu’on le paie à Paris, la plupart des appartenons de 7 000 à 9 000 francs de loyer, aménagés dans les maisons neuves, ne possèdent pas d’autre fourneau de cuisine qu’un appareil à gaz très complet avec four, rôtissoire et grillade. Les grils offrent cette particularité d’être soumis à une flamme venant, non d’en bas, mais d’en haut ; ce qui évite toute fumée et permet de recueillir intégralement le jus, au lieu de le laisser suinter en graillonnant sur les charbons. Suivant les principes de Brillat-Savarin, le cuisinier peut, avec ce système, saisir la côtelette par un feu vif au commencement de l’opération, pour coaguler l’albumine et empêcher le sang de s’écouler ; puis ralentir la combustion, pour laisser au centre du morceau le temps de cuire sans que la surface charbonne.

La cuisine au gaz, confiée à des mains expertes, n’est donc pas aussi barbare que notre routine serait portée à le croire. Aux États-Unis, elle s’explique surtout par la difficulté de se faire servir, et par le peu de goût des domestiques américains pour les besognes fatigantes. Le gaz y est, malgré son bon marché, dans le même rapport que chez nous vis-à-vis de la houille, parce que cette dernière aussi coûte à New-York moitié moins qu’à Paris.

La chaleur spéciale et intermittente, que l’on demande au gaz dans la capitale, est obtenue en province par le pétrole avec une dépense à peu près identique. Depuis douze ans, il s’est vendu en France six cent mille fourneaux et réchauds à huile minérale,