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race allemande, et des avantages immédiats, et la chance de beaux héritages, le jour où viendrait à mourir le maître valétudinaire de ces contrées. Le chancelier, jusque-là fort hostile aux songe-creux qui abandonnaient la mère patrie pour la vaine conquête d’une Jérusalem mystique, se convertit alors à « l’influence des impondérables, » parce que la propagande religieuse entraîne à sa suite un courant de mœurs, d’habitudes, d’échanges et de gains. Mais, pour devenir avantageuse, il fallait que cette propagande ne se fit pas en faveur du protestantisme, par des missionnaires de toute nation, mais par des Allemands, au moyen de la langue allemande, au nom de la culture allemande, au profit des intérêts allemands. Voilà pourquoi, en 1882, le chancelier refusa de pourvoir à la vacance de l’évêché anglo-prussien, et, dénonçant l’accord, réserva son patronage aux œuvres de sa nation. Son bon sens ne se dissimula pas qu’il ne suffisait pas de les laisser faire, que le protestantisme, livré à lui-même, tendait à la division, que les sectes s’élevant contre les sectes ne produiraient rien d’ordonné, de suivi et de puissant. Il se résolut à employer la seule force d’unité qui subsiste dans la Réforme, l’autorité du prince sur le gouvernement de l’Eglise ; il fallait que le protestantisme germanique mît tout son zèle obéissant au service d’un même dessein, fût dirigé vers des contrées utiles, et accoutumât des contrées à recevoir sous le même drapeau les pasteurs, les marchands, et au besoin les soldats de la Prusse. Ainsi fit-il. Et depuis lors, à l’évêché de Jérusalem que la haute Eglise d’Angleterre soutient sans lui donner de vie, à ce prosélytisme des sociétés anglaises et américaines qu’anime l’esprit individuel, s’ajoute une propagande politique, concentrée en Syrie et en Palestine, nourrie par une émigration savante, soutenue par les subsides de l’Allemagne, favorisée par sa diplomatie.

Par cette renonciation à une discipline commune, le protestantisme est revenu à sa loi de nature. Du jour où la Réforme, préférant à la concorde de tous les chrétiens la liberté de chacun, a rompu le faisceau du catholicisme, elle s’est obligée à respecter l’indépendance de la pensée et de l’action dans chaque homme devenu son propre pape. Par-là, elle n’est pas seulement une hérésie définie et définitive, mais la source intarissable des discordes et, si l’on peut dire, le plus grand commun diviseur des esprits. La logique des faits n’a pas davantage permis aux protestans de poursuivre leur dessein primitif, c’est-à-dire de respecter les confessions