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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/871

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L’Italie voyait à revendiquer une clientèle plus immédiate et plus considérable. Si la maison de Savoie est le gouvernement le moins qualifié pour rien obtenir du Saint-Siège, nulle part cependant le sentiment public ne se manifesta plus vif contre la France et n’avait action sur d’aussi puissans ressorts. Jusque dans le palais du Pape il trouvait des intelligences. Le gouvernement de l’Église est italien, italienne la majorité des cardinaux, italienne la presque totalité des clercs qui, dans les congrégations diverses, servent, avec des passions humaines, la cause de Dieu. Loin que leur zèle chrétien les détache de leur nation, ce monopole d’autorité religieuse les dispose à croire que leur race est naturellement et partout destinée à une primauté de droits et d’honneurs. Le Levant est, après l’Italie, le lieu du monde où les Italiens exercent le plus de fonctions ecclésiastiques. Le plus italien des ordres religieux, celui que fonda François d’Assise au moment où finissaient les croisades, consacra une partie de son humilité, de sa patience et de son courage à ne pas quitter les sanctuaires consacrés par la mort du Christ. Cet héroïsme de la persévérance fut récompensé par les Papes, ils conférèrent aux Franciscains la Custodie de Terre-Sainte, c’est-à-dire le privilège de desservir les sanctuaires à Jérusalem et en Palestine. Dans les autres contrées de la Turquie, la plupart des paroisses latines étaient, jusqu’à la Révolution, administrées par des religieux français ; la ruine violente des ordres monastiques enleva à la France le moyen de continuer cet office ; les Franciscains d’Italie le recueillirent. Ils exercent donc dans le Levant ce qu’on nomme les fonctions de l’ordinaire, et, clergé paroissial, sont appelés à l’autorité la plus étendue et à l’influence la plus directe sur les catholiques du rite latin. Ces religieux unissent à l’amour de l’Église le culte de leur patrie ; le souvenir de sa gloire passée soutient et mesure leurs espérances en l’avenir, et cet orgueil, commun à tous les fils de l’Italie, brûle peut-être de ses plus grandes ardeurs en ces moines étrangers aux autres passions, tout entiers à celle qu’ils jugent légitime, âmes de feu sous la cendre de leur pénitence.

C’est cette ardeur que le gouvernement italien espérait trouver pour complice quand, après le Congrès de Berlin, il ordonna à ses consuls de ne plus laisser à la diplomatie française la protection des religieux italiens. Il fallait, en effet, que les protégés acceptassent le protecteur nouveau. Ils en étaient tentés par le cœur ; mais la raison leur disait que, malgré la promptitude de