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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/92

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C’était chez Mme de Maintenon que la duchesse de Bourgogne passait presque toutes ses soirées. C’était chez elle que lui était accordé, nous l’avons vu, le plaisir de souper deux ou trois fois par semaine avec le duc de Bourgogne. De ces soupers toute étiquette était bannie. Le maître d’hôtel n’était pas là, le bâton à la main, comme aux repas que le duc de Bourgogne prenait en public ; la nef n’était pas sur la table, comme à ceux que la duchesse prenait, en public également, le mardi et le vendredi. Tout au contraire (et Madame, qui n’entendait pas raillerie sur l’étiquette, s’en scandalisait fort), c’était la duchesse de Bourgogne qui s’amusait parfois à servir Mme de Maintenon, à lui présenter les plats, à lui offrir à boire. Souvent aussi Mme de Maintenon la conduisait à Saint-Cyr, et là, dans le vaste parc dessiné par Mansart, il lui était loisible de se livrer à ces jeux de mouvemens (comme disent les dames de Saint-Cyr dans leurs Mémoires), dont sa jeunesse sentait encore le besoin, au point qu’à Versailles on les lui permettait, même dans son appartement. Cette vie intime et familière, assez semblable à celle qu’elle menait autrefois à Turin, sous l’œil de sa mère et de sa grand’mère, devait reposer la duchesse de Bourgogne des fastidieuses cérémonies auxquelles, d’autre part, son rang la condamnait déjà. On comprend qu’elle sût gré à celle qui s’appliquait à lui procurer ces innocens plaisirs, et elle n’avait pas tort lorsqu’elle écrivait à Madame Royale : « Il est vray que j’ay une bonne amie en Mme de Maintenon et qu’il ne tiendra pas à elle que je ne sois parfaitement heureuse. » Aussi la politique n’est-elle pas nécessaire à expliquer l’attachement qu’elle ne laissait passer aucune occasion de témoigner à celle qu’elle appelait sa tante. C’est ainsi que, Mme de Maintenon ayant été indisposée durant un séjour qu’elle faisait avec le Roi à Marly, la duchesse de Bourgogne, qui était demeurée à Versailles, fit demander sur-le-champ au Roi la permission de venir la rejoindre et prendre soin d’elle. On peut penser que le Roi n’eut garde de refuser cette permission.

La nature, au reste, était impressionnable et tendre. Elle pleurait de joie quand elle apprenait que sa mère venait enfin de mettre au monde un fils, et elle écrivait aussitôt à sa grand’mère, avec sa gentillesse habituelle : « Vous voilà donc au comble du bonheur, ma chère grand’maman, puisque vous le mettiés à avoir un petit-fils. Vostre joie augmente la mienne, car je ne puis ne pas partager tout ce que vous sentez, vous aimant comme je le