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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/938

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REVUES ÉTRANGÈRES

UN ROMANCIER SUISSE : CONRAD FERDINAND MEYER

Le dernier roman de Théodore Fontane, Der Stechlin, nous a naguère fourni l’occasion de constater, une fois de plus, combien les habitudes littéraires restent différentes d’un pays à l’autre, en dépit des progrès de notre soi-disant cosmopolitisme. Absolument dénué d’action et de plan, énorme, encombré de dialogues interminables et hors de propos, Der Stechlin ne serait pas seulement ennuyeux, il serait tout à fait illisible pour un lecteur français ; et cependant les lettrés allemands ont été unanimes à l’admirer, à goûter son charme poétique et la perfection de sa forme : et les lettrés allemands ont eu raison, car l’idéal du roman, tel qu’ils le conçoivent, n’a rien de commun avec notre idéal du roman français. Mais, pour instructif que soit, à ce point de vue, l’exemple de Théodore Fontane, celui du romancier zurichois Conrad-Ferdinand Meyer l’est, peut-être, davantage encore.

Celui-là, en effet, s’est conquis à la fois l’admiration des lettrés et l’affection du public. Ses romans, ses nouvelles, même ses vers, lui ont rapporté des bénéfices qui l’auraient rendu riche, si déjà, de naissance, il ne l’avait été ; on a consacré des volumes entiers à l’étude de son œuvre ; et un de ces volumes, que j’ai sous les yeux, est la reproduction d’une série de leçons faites, en 1896, dans une grande université. Conrad-Ferdinand Meyer a vraiment été une des gloires littéraires de l’Allemagne contemporaine. Sauf Gustave Freytag, je ne crois pas qu’aucun romancier allemand ait eu, dans ces vingt dernières années, une réputation égale à la sienne. Et, bien que depuis dix ans il eût cessé d’écrire, et presque de vivre, la nouvelle de sa mort a produit, en Allemagne comme en Suisse, une très profonde et pénible émotion.